Tunisie: l’attente commence à se faire sentir

 

L’attente est longue. Trois semaines après le gel du Parlement le limogeage du premier ministre et la levée l’immunité parlementaire, il reste difficile de déchiffrer ce qu’envisage le président tunisien Kaïs Saïed.

Le chef de l’État n’a pas donné de discours à l’occasion de la journée de la Femme vendredi 13 août, comme attendu. Il a simplement rendu visite à des travailleuses d’un quartier populaire de la capitale.

Espoirs

Dans les rues de Tunis, la confiance règne toujours depuis le 25 juillet. Imed, 55 ans, a l’espoir que la situation sociale et économique va changer. « Le président a pris une décision difficile et j’ai une grande confiance en lui. Chaque fois qu’il sort, il montre qu’il est avec le peuple », juge-t-il.

Cet employé d’ambassade est satisfait du président, auquel il avait donné sa voix lors de l’élection de 2019. « Il est en train de coincer les voleurs, ceux qui ont volé le peuple », dit-il en évoquant les arrestations de parlementaires menées depuis le 25 juillet.

Le quinquagénaire était fatigué de voir « des députés qui se disputaient tout le temps, qui ne travaillaient pas et ne faisaient rien du tout pour le peuple ».

Kaïs Saïed a raison de prendre son temps pour nommer un Premier ministre, poursuit l’homme qui voudrait voir le Parlement dissous et des législatives organisées.

Mohamed, un jardinier dans le centre de Tunis, est très heureux depuis le 25 juillet. Comme beaucoup, il fait confiance à ce président et espère voir ceux accusés de corruption être condamnés. Depuis le 25 juillet, plusieurs députés ont été arrêtés et des gouverneurs limogés.

Zied, un petit commerçant, se dit lui satisfait de la décision du président mais s’impatiente. « Il faut qu’il nomme un Premier ministre car normalement c’est à ce dernier de nommer les ministres. » Il espère que le Parlement sera dissous prochainement. « Les députés étaient superflus, ils ne faisaient que se bagarrer » , affirme l’homme derrière son comptoir, espérant que les prochains seront meilleurs.

Inquiétudes

L’absence de feuille de route et de Premier ministre inquiète de plus en plus. Le politologue tunisien Hatem M’rad évoque des risques si les mesures d’exception se prolongent et si l’attente se fait trop longue. « Il peut y avoir des partis de contestation qui comment à manipuler la rue. »

Pour Khadija Mohsen-Finan, politologue spécialiste du monde arabe, il aurait fallu que le président fasse cela dès le 26 juillet. « Çà me paraissait plus cohérent que de nommer des ministres au pied levé », juge-t-elle.

« C’est inquiétant dans la mesure où il n’y a pas de contre-pouvoir et le rythme auquel les choses évoluent montre bien que 30 jours ne seront pas suffisants pour que Kaïs Saïed mène à bien la tâche qui lu incombe », affirme la politologue. L’opacité autour de la méthode du président et le fait qu’il ne rende pas de comptes interrogent.

Malgré l’incertitude, « il y a un soulagement au sein de la population, observe-t-elle, de voir le parti Ennahdha mis à nu ».

Des réformes attendues

Le président semble satisfaire une partie de la population avec les arrestations et les limogeages. « Mais nous ne sommes plus en période électorale où des satisfactions immédiates suffisent, il faut des réponses aux attentes des Tunisiens », exténués par la crise économique et sanitaire, poursuit Khadija Mohsen-Finan.

Pour la politologue, « aujourd’hui l’enthousiasme est passé, la satisfaction demeure auprès de certains. Une petite inquiétude et l’attente commencent à se faire sentir mais le soulagement demeure ». Il faudrait, selon elle, que le président rassure l’opinion et les pays étrangers en établissant un calendrier électoral, et dise ce qu’il compte faire au niveau du Parlement et quelles réformes économiques envisage-t-il mais aussi de quelle manière il va positionner la Tunisie au niveau régional. « Il y a des réformes d’urgence à prendre et on ne sait pas dans quel sens ça va aller », conclut-elle.

Source: LaCroix

 

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