Afghanistan : les talibans prennent possession d’une nouvelle capitale provinciale et convoitent Mazar-e-Charif

La ville d’Aibak est tombée aux mains des insurgés, lundi. Ils affirment avoir amorcé leur offensive à Mazar-e-Charif, la plus grande ville du nord du pays, ce que les officiels démentent.

Les capitales provinciales du nord de l’Afghanistan tombent une à une aux mains des talibans. Les insurgés se sont emparés, lundi 9 août, de la cité d’Aibak. Ils ont commencé à regarder en direction de Mazar-e-Charif, la plus grande métropole de cette partie du pays.

Les talibans avaient pris possession, dimanche, de la majeure partie de la grande ville de Kunduz, au nord-est du pays, puis conquis, en quelques heures, Taloqan, 50 kilomètres à l’est, et Sar-e-Pul, 400 kilomètres plus à l’ouest. Ils sont, désormais, en possession de six des 34 capitales provinciales, après s’être emparés samedi de Sheberghan, fief du célèbre maréchal Dostom, à 50 kilomètres au nord de Sar-e-Pul, et vendredi de Zaranj, capitale de la lointaine province de Nimroz, dans le sud-ouest du pays, à la frontière avec l’Iran.

Aibak, ville de 120 000 habitants située à environ 100 kilomètres au sud-ouest de Kunduz, est tombée sans résistance. « Les talibans ont pris la ville d’Aibak et la contrôlent complètement », a déclaré à l’Agence France-Presse Sefatullah Samangani, le gouverneur adjoint de la province de Samangan, dont Aibak est la capitale. « La nuit dernière, un ancien sénateur s’est rendu aux talibans » et, lundi, des notables ont demandé au gouverneur de retirer ses forces de la ville pour qu’elle soit épargnée par les combats, ce qu’il a accepté, a-t-il expliqué.

Protéger Mazar-e-Charif « jusqu’à la dernière goutte de sang »

Les talibans, qui avancent à un rythme effréné, contrôlent, désormais, cinq des neuf capitales provinciales du Nord. Des combats sont en cours dans les quatre autres. Les insurgés ont déjà en vue leur prochain objectif et ont annoncé avoir attaqué Mazar-e-Charif. Toutefois, des habitants et officiels ont affirmé qu’ils ne l’avaient pas encore atteinte.

La police de la province de Balkh, dont Mazar-e-Charif est la capitale, a affirmé que les combats les plus proches en étaient distants d’au moins 30 kilomètres. Elle a accusé les talibans de vouloir « créer de l’angoisse dans la population civile avec leur propagande ».

« L’ennemi fait maintenant mouvement vers Mazar-e-Charif, mais heureusement les ceintures de sécurité [autour de la ville] sont solides et l’ennemi a été repoussé », a annoncé Mirwais Stanekzai, le porte-parole du ministère de l’intérieur, dans un message aux médias.

Cité historique et carrefour commercial, Mazar-e-Charif est le pilier sur lequel s’est toujours appuyé le gouvernement pour contrôler le nord du pays. Sa chute serait un coup extrêmement dur porté au pouvoir.

Atta Mohammad Noor, l’ex-gouverneur de la province de Balkh, homme fort établi depuis longtemps à Mazar-e-Charif et dans le Nord, a promis de résister « jusqu’à la dernière goutte de sang ». « Je préfère mourir dans la dignité que mourir dans le désespoir », a-t-il tweeté.

Le nord de l’Afghanistan a toujours été considéré comme très opposé aux talibans. C’est là qu’ils avaient rencontré la résistance la plus acharnée, lors de leur accession au pouvoir, dans les années 1990. Les talibans ont dirigé le pays entre 1996 et 2001, imposant leur version ultra-rigoriste de la loi islamique, avant d’être chassés du pouvoir par une coalition internationale dirigée par les Etats-Unis.

Kunduz est, jusqu’ici, la plus belle prise des talibans, qui ont lancé une large offensive au début du mois de mai, à la faveur du retrait des forces internationales, en passe d’être complètement achevé. Située à 300 kilomètres au nord de Kaboul, Kunduz, déjà conquise deux fois ces dernières années par les insurgés, en 2015 et en 2016, est un carrefour stratégique entre l’Afghanistan et le Tadjikistan.

« Nous avons tous fui la ville de Kunduz [dimanche]. La plupart des gens fuyaient leur maison, à pied, en voiture ou à tricycle, vers les provinces voisines, ou vers Kaboul et Mazar-e-Charif », a déclaré Rahmatullah, un habitant de 28 ans. « La situation sécuritaire n’est pas bonne et nous avons fui pour sauver nos vies. C’est comme un film d’horreur. Ceux qui sont coincés dans la ville n’osent pas sortir de leur maison », a-t-il ajouté.

Plus de résistance dans le Sud-Ouest

Si l’armée s’est montrée incapable d’enrayer l’offensive dans le Nord, elle continuait à faire front à Kandahar et Lashkar Gah, deux fiefs historiques des insurgés dans le sud de l’Afghanistan, ainsi qu’à Hérat, dans l’Ouest. « Heureusement, la situation sécuritaire s’est améliorée dans les provinces de Kandahar, Lashkar Gah et Hérat (…). Le plan [de l’ennemi] de prendre ces villes a été neutralisé », a assuré le porte-parole du ministère de l’intérieur.

A Lashkar Gah, capitale de la province du Helmand, dans laquelle les talibans avaient pénétré en début de semaine dernière, les autorités ont déclaré avoir repris de vastes zones de l’est et du nord-est de la ville. « L’opération [pour repousser les insurgés] continue avec succès mais est lente, car les talibans ont pris position dans les maisons des civils », a écrit, sur Twitter, Fawad Aman, le porte-parole du ministère de la défense.

Le gouvernement afghan s’est engagé à reprendre tous les territoires perdus depuis le mois de mai, mais sans résultat très tangible jusqu’à présent. Cette résistance se fait, par ailleurs, au prix de lourdes pertes civiles. Au moins vingt enfants ont été tués et 130, blessés, ces trois derniers jours dans la seule province de Kandahar, a affirmé, lundi, l’Unicef.


Source: LeMonde

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