Birmanie : par crainte des représailles, les opposants moins nombreux dans les rues

La police et l’armée birmanes tentent de contenir un soulèvement contre la junte au pouvoir depuis le 1er février. Une vingtaine de personnes ont été blessées mardi à Kale, dont trois grièvement.

La répression de la junte continue en Birmanie, où trois manifestants qui protestaient contre le coup d’Etat sont dans un état critique après avoir été blessés, mardi 2 mars, par des tirs à balles réelles, a appris l’Agence France-Presse (AFP) de sources médicales.

« Une vingtaine de personnes ont été blessées » par les forces de sécurité venues disperser un rassemblement dans la ville de Kale, dans le nord-ouest du pays, a rapporté à l’AFP un secouriste. « Trois, touchées par des tirs à balles réelles, doivent être opérées en urgence et sont dans un état critique », a précisé un docteur de l’hôpital où elles ont été transportées.

La police et l’armée birmanes ont intensifié le recours à la force ces derniers jours pour tenter de contenir le soulèvement contre la junte au pouvoir depuis son coup d’Etat, le 1er février, en déployant des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des canons à eau, avec de plus en plus de témoignages faisant état de tirs à balles réelles.

Les journalistes ciblés

Par crainte des représailles, les manifestants étaient moins nombreux mardi à descendre dans les rues, notamment à Rangoun, la capitale économique. Certains ont tout de même érigé des barricades de fortune avec des pneus, des panneaux de bois et des barres de métal pour se protéger.

Lors des manifestations contre le coup d’Etat militaire, des journalistes ont également été ciblés et plusieurs ont été arrêtés dans l’exercice de leur métier, dont un photographe de l’agence américaine Associated Press (AP) à Rangoun. Un journaliste birman a été arrêté à son domicile lundi soir, lors d’une opération nocturne menée par les forces de l’ordre contre son immeuble, a annoncé, mardi, son employeur, Democratic Voice of Burma (DVB).

Lundi soir, un journaliste de DVB a retransmis en direct sur la page Facebook de son média une attaque apparente contre son immeuble dans la ville de Myeik, dans le sud du pays, alors qu’il criait à l’aide. Quelques heures plus tard, DVB confirmait sur Twitter que son journaliste Kaung Myat Hlaing avait été emmené de son domicile sous la contrainte par des policiers et des militaires.

« Si vous tirez comme ça, comment vais-je descendre ? »

« On ne sait pas où il a été emmené et quelle autorité militaire l’a emmené », explique DVB dans un communiqué publié mardi matin, ajoutant que les derniers reportages de Kaung Myat Hlaing relataient la répression militaire au cours du week-end à Myeik, ainsi que les manifestations de lundi. Des bruits de tirs ont pu être entendus pendant la diffusion en direct de Kaung Myat Hlaing, alors qu’il criait aux forces de sécurité à l’extérieur d’arrêter de tirer :

« Si vous tirez comme ça, comment vais-je descendre ? »

Le média a exigé mardi que l’armée libère Kaung Myat Hlaing, ainsi que d’autres journalistes détenus depuis le putsch. « Ils font tous leur travail en tant que journalistes », a-t-il affirmé.

DVB, l’un des organes de presse les plus connus en Birmanie, a été lancé en 1992 par des expatriés birmans réfugiés en Thaïlande et en Norvège sous le régime de la précédente junte, diffusant des informations non censurées à la télévision et à la radio. Après quarante-neuf ans au pouvoir, l’armée avait relâché son emprise en 2011 et DVB avait déménagé son siège social à Rangoun l’année suivante.

Les techniques employées par l’armée sont semblables à celles utilisées par l’ancienne junte, a dit à l’AFP le directeur de DVB, Aye Chan Naing. Mais « c’est totalement différent maintenant : vous avez Internet, vous avez les téléphones portables, les gens sont bien connectés dans le pays », a-t-il déclaré, joint par téléphone depuis la Norvège. « Ils pourront peut-être réprimer ce soulèvement, mais il les hantera aussi longtemps qu’ils seront au pouvoir », a-t-il affirmé.

1 300 personnes arrêtées

 

Les vagues d’arrestations se poursuivent. Mille trois cents personnes ont été arrêtées, lors de la seule journée de dimanche, selon la chaîne de télévision d’Etat MRTV.

De nouveaux entretiens internationaux doivent avoir lieu. Les quinze membres du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU), y compris la Chine, envisagent de tenir cette semaine une nouvelle réunion sur la Birmanie, selon des sources diplomatiques. Les ministres des affaires étrangères de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) doivent s’entretenir en ligne, mardi.

On dénombre une trentaine de morts dans les rangs des manifestants depuis le 1er février, d’après une ONG, l’Association d’aide aux prisonniers politiques (AAPP). La junte affirme, pour sa part, qu’un policier a péri, en tentant de disperser un rassemblement.

Les derniers soulèvements populaires de 1988 et de 2007 ont été réprimés dans le sang par l’armée, au pouvoir pendant près de cinquante ans depuis l’indépendance du pays, en 1948. L’armée, qui conteste le résultat des élections de novembre remportées massivement par le parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), a promis la tenue d’un nouveau scrutin. Sollicitée, elle n’a pas répondu aux multiples requêtes de l’AFP pour commenter les événements.

Source : Le Monde avec AFP

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