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- Le 22 Novembre 2024
Après avoir conquis les zones rurales, les Talibans se sont rapprochés de plusieurs grandes villes, dont Herat et Kandahar. Tandis que des milices se forment dans les villages, les puissances voisines cherchent à dialoguer avec le mouvement islamiste.
A cinq semaines du départ des tout derniers soldats américains d'Afghanistan, la situation dans le pays inquiète, au point de mettre en branle la diplomatie des puissances voisines. Après trois mois d'une offensive tous azimuts, les Talibans contrôlent désormais une large partie du pays, principalement des zones rurales et des postes-frontières.
Ils se sont récemment rapprochés de plusieurs grandes villes, dont Herat et Kandahar, qui fut l'épicentre de leur régime quand ils détenaient le pouvoir, de 1996 à 2001. Dans les régions conquises, les Talibans cherchent déjà à rétablir ce régime fondé sur une interprétation ultrarigoriste des règles islamiques, selon les observateurs sur le terrain. Parmi les premières victimes figurent les femmes et jeunes filles , dont beaucoup ne sortent déjà plus de chez elles et fuient les villes où les talibans recensent celles en âge d'être mariées à leurs combattants.
D'après un rapport de la mission de l'ONU dans le pays, les pertes civiles ont déjà atteint des niveaux records pendant la première moitié de l'année, avec 1.659 civils tués et 3.254 blessés. Et les combats ne sont pas près de cesser : tandis que l'armée afghane concentre ses efforts sur la défense de Kaboul, des capitales provinciales et des grands axes, des civils ont pris les armes pour protéger leurs villages.
« Tout le monde se focalise sur l'avancée des Talibans mais c'est le début d'une menace beaucoup plus large pour le pays : le retour à une guerre civile comme dans les années quatre-vingt-dix », estime Nassim Majidi, chercheuse et cofondatrice du centre de recherche Samuel Hall basé à Kaboul.
Jusqu'où iront les combats ? Pour beaucoup d'Afghans, la chute de Kaboul est une question de quelques mois, poursuit la chercheuse. Pour d'autres observateurs comme Karim Pakzad, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste de l'Afghanistan, c'est l'hypothèse d'un gouvernement de transition en vue de négociation qui tient la corde.
« La question maintenant est de savoir si les Talibans sont pressés, au risque d'aller vers des combats urbains ou bien s'ils considèrent qu'ils peuvent attendre puisque leur avancée est incontestable et qu'ils ont marqué des points sur la scène internationale », résume de son côté Jean-Luc Racine, directeur de recherche émérite au CNRS et chercheur senior à Asia Centre.
Sur le terrain diplomatique aussi, les Talibans ont en effet avancé leurs pions. Ils ont répondu aux invitations récentes de l'Iran, de la Russie et de la Chine, soucieuses de dialoguer avec ces insurgés en position de force. « Les pays voisins craignent que le désordre afghan renforce des mouvements radicaux internationaux », explique Jean-Luc Racine.
Face à Pékin , qui s'inquiète de liens potentiels avec le mouvement indépendantiste ouïghour, la délégation talibane a ainsi assuré « que le sol afghan ne serait pas utilisé contre la sécurité de quelque pays que ce soit ». L'Inde, de son côté, craint que le retour au pouvoir des Talibans favorise des groupes djihadistes au Cachemire.
En Chine, en Iran et en Russie, c'est surtout la peur de Daech qui pousse au dialogue, complète Karim Pakzad. « La peur des Talibans il y a vingt ans a été remplacée par la peur de Daech. Les Talibans apparaissent désormais comme un rempart face à une organisation cent fois plus radicale qu'eux », explique-t-il.
Nassim Majidi souligne aussi d'autres intérêts à l'oeuvre : la Chine pour accéder aux riches mines du pays, l'Iran par proximité idéologique avec le mouvement islamiste et le Pakistan au nom de leur alliance stratégique. La Turquie, enfin, cherche « un prestige politique » dans cette situation, ajoute-t-elle : en proposant à Washington de sécuriser l'aéroport de Kaboul, Ankara espère « se doter d'un nouveau rôle face au terrorisme, au-delà de celui de garde-frontière de l'Union européenne ».
Source: LesEchos