Cette volonté de réduire au silence les voix discordantes des médias traditionnels ou en ligne, soucieux d’informer, en se mettant du coup en déphasage avec la ligne de conduite imposée par le gouvernement, a prouvé ses limites.
Le 117e vendredi de la contestation populaire a été marqué par une violente répression policière des marches hebdomadaires et une vague d’arrestations qui a touché aussi bien les hirakistes que les gens des médias. Un vendredi attendu après le dernier communiqué menaçant de l’Intérieur et qui consacre dorénavant l’attitude des appareils de l’État face aux manifestations citoyennes.
Par ailleurs, il y a lieu de constater qu’en ce deuxième jour de l’Aïd, le ciblage des journalistes et des photographes de presse a été systématique et tout a été entrepris par les services de sécurité pour les empêcher de couvrir le cours des événements.
À Alger, plus d’une dizaine de journalistes et de photographes ont été arrêtés dans l’exercice de leurs fonctions, dont Khaled Drareni, correspondant en Algérie pour la chaîne francophone TV5, Ryad Kramdi, photographe de l'AFP, un vidéaste de l’agence internationale Reuters, Lynda Abbou de Radio M ou encore Feriel Bouaziz du site électronique Interlignes Algérie.
Si la plupart des professionnels des médias ont été relâchés quelques heures plus tard, en aval de la marche, il en est autrement pour Kenza Khatto, journaliste reporter à Radio M, qui a été placée en garde à vue au commissariat central après avoir été violemment interpellée en début d’après-midi de ce vendredi alors qu’elle assurait la couverture des manifestations à Alger.
Les arrestations des journalistes et des correspondants de presse n’ont pas concerné uniquement la capitale puisqu’on a signalé une interpellation à Jijel. Cette tendance à empêcher les médias à couvrir ces manifestations s’était déjà manifestée mardi dernier avec l’arrestation de plusieurs journalistes et photographes lors de la marche estudiantine à Alger.
Une volonté entièrement assumée par des partisans du tout-sécuritaire décidés à réprimer à huis clos en incarcérant, dans un premier temps, les journalistes pour des chefs d’accusation aussi incompréhensibles que graves, puis en leur interdisant de couvrir les marches hebdomadaires à travers des interpellations arbitraires qui ne répondent qu’à la seule raison d’intimidation.
Les médias se trouvent confrontés à la nouvelle politique des services de sécurité qui les considèrent comme de potentiels adversaires à museler. Pourtant, cette volonté de réduire au silence les voix discordantes des médias traditionnels ou en ligne, soucieux d’informer en se mettant du coup en déphasage avec la ligne de conduite imposée par le gouvernement, a prouvé ses limites.
D’une part, parce qu’elle contribue à discréditer davantage le pouvoir en place qui répond par la violence à une aspiration démocratique et, d’autre part, parce que ce huis clos est de facto contourné par les publications des hirakistes qui postent des vidéos des violences policières et donnent des informations sur les arrestations en temps réel, malgré les perturbations et les coupures d’internet.
Source : La Liberte