En dépit des conditions pour le moins défavorables pour qu’une quelconque manifestation puisse avoir lieu, une impressionnante marée humaine a finalement envahi les rues de Tizi Ouzou pour prendre part à la marche du 117e vendredi.
Il était pourtant près de 13h, et il était encore difficile d’imaginer un seul instant une foule, fût-elle composée de quelques centaines de personnes, se regrouper au centre-ville en ce lendemain de la fête de l’Aïd, où il serait inimaginable, d’ordinaire, de voir une action politique, en général, et une marche, en particulier, drainer des masses.
Pour la première fois depuis la reprise des marches en février dernier, tout le centre-ville de Tizi Ouzou a été quadrillé par un impressionnant dispositif policier, visiblement déterminé à mettre en exécution le communiqué du ministère de l’Intérieur qui annonçait l’interdiction des marches non autorisées. Mais c’était compter sans la détermination des manifestants à honorer ce rendez-vous.
Les heures qui ont précédé le moment habituel de départ de la marche ont été marquées par une vague d’interpellations tous azimuts. Sur le boulevard longeant le CHU Nedir-Mohamed, les policiers ont dressé plusieurs points de contrôle. Les passants ont été soumis à un contrôle systématique d’identité, suivi d’une fouille corporelle pour celui soupçonné de se rendre à la marche.
Au moindre indice suspect, des jeunes, des vieux et même des femmes sont embarqués. “Une femme drapée dans l’emblème national vient d’être conduite au commissariat avec son enfant en bas âge”, nous racontent des manifestants qui tentaient de contourner le dispositif policier pour se diriger vers l’université Mouloud-Mammeri.
À plusieurs endroits, nous apercevions des dizaines de jeunes alignés dos au mur en train de subir fouille et contrôle. Les manifestants se faisaient interpeller par centaines. Un climat de terreur régnait dans toute la ville.
Devant la mosquée du centre-ville, la police tentait d’empêcher les fidèles de prier comme à leur habitude à l’extérieur. L’un d’ eux portait l’emblème national. Des policiers tentent de l’interpeller et c’est la goutte qui fait déborder le vase. Les fidèles qui se trouvaient à l’intérieur réagissent énergiquement en venant à son secours.
Face à leur colère, le dispositif policier finit par quitter les lieux rapidement. L’étau se desserre alors et la foule, à la fois déterminée et euphorique après cette première victoire, envahit le centre-ville qu’elle libère au fur et à mesure de son avancement vers le campus Hasnaoua de l’université.
En deux temps trois mouvements, c’est tout le dispositif policier qui s’évapore. À peine l’itinéraire de la marche abandonné par la police, des milliers de manifestants affluaient des ruelles secondaires où ils se sont réfugiés quelques minutes auparavant.
La marée humaine entame alors la marche en scandant rageusement des slogans contre les élections législatives du 12 juin, et d’autres se moquant de la décision du ministère de l’Intérieur de soumettre les marches à autorisation, et d’autres encore appelant à la libération des détenus d’opinion.
Des portraits, entre autres, de Rabah Karèche, de Lounès Hamzi et de Mohamed Tadjadit sont brandis par la foule qui se dirigeait vers la place de L’Olivier où la marche s’est transformée en un rassemblement devant la sûreté de wilaya pour exiger la libération de tous les manifestants interpellés. La marche s’est achevée pour les manifestants, sur un goût de victoire contre la répression.
Source : La Liberte