Des hématologues, des pédiatres et des médecins-transfuseurs ont plaidé pour la mise en place d'un réseau de soins englobant toutes les spécialités entrant dans le cadre de la prise en charge de la thalassémie à l'échelle nationale.
La thalassémie est une maladie héréditaire chronique du globule rouge due à une anomalie de l'hémoglobine. Elle est responsable d'une anémie, d'une fatigue et d'un retard de croissance et d'autres complications, en absence de transfusion sanguine le malade dans la forme majeure décède avant l'âge de l'adolescence.
Les complications de la maladie se manifestent notamment par une forte anémie, des essoufflements, une fatigue chronique, des déformations osseuses, une carence en acide folique et en vitamine B12, et une splénomégalie (une hypertrophie de la rate), résultat d'une surcharge en fer.
A l'occasion de la Journée mondiale de la thalassémie, célébrée le 8 mai, la cheffe de service pédiatrie au Centre hospitalo-universitaire (CHU) Mustapha Pacha, Pr. Rachida Boukhari a indiqué que la prise en charge des enfants thalassémiques était assurée auparavant au niveau du centre d'hémobiologie et de transfusion sanguine avant son transfert au service pédiatrie "à la fin des années 1990 suite à la réorganisation des soins, une démarche qui a contribué avec le temps à l'amélioration de la prise en charge".
La pédiatrie du CHU Mustapha accueille 100 enfants issus de différentes wilayas pour des séances de transfusion tous les 21 jours en vue de maintenir le taux d'hémoglobine à un niveau favorable à une croissance normale, et permettant à ces jeunes patients de mener une vie normale, voire de poursuivre leurs études, a souligné Pr. Boukhari, appelant la tutelle à mettre en place "un réseau intégré de soins englobant les spécialités entrant dans le cadre de la prise en charge de la thalassémie à l'échelle nationale".
La spécialiste a valorisé, dans ce sens, la bonne prise en charge des enfants thalassémiques et la disponibilité de l'hémoglobine grâce à la proximité de son service du centre de transfusion sanguine du CHU Mustapha Pacha, au moment où des services pédiatriques dans d'autres établissements sont dans "l'incapacité totale", a-t-elle dit, d'assurer une telle prise en charge, en raison de l'absence ou de l'indisponibilité de centre de transfusion sanguine capable de préparer l'hémoglobine".
Par ailleurs, Pr. Boukhari a expliqué que l'hyperferritinémie ou la surcharge en fer résultant du traitement transfusionnel "peut affecter plusieurs organes du corps du patient thalassémique, en dépit des soins palliatifs, précisant que dans certains cas, un suivi est nécessaire dans d'autres spécialités, comme la cardiologie et l'endocrinologie pour prévenir les effets secondaires de cette saturation en fer.
Evoquant les problèmes rencontrés par les malades, elle a cité l'absence de spécialités en la prise en charge des patients adolescents, faisant état de 25 jeunes au niveau du service pédiatrie du CHU Mustapha Pacha "en raison de l'absence de spécialités en la prise en charge à cet âge à l'échelle nationale".
Concernant les taux de réussite de ces patients sur les plans scolaire et professionnel, Pr. Boukhari a indiqué que "50% des thalassémiques qui suivent un traitement régulier, mènent une vie normale et que beaucoup ont réussi sur dans leurs études et travail en dépit du poids de la maladie.
Des modèles que les médecins de la clinique mettent en avant pour les enfants qui sont au début de leur processus scolaire, et ce, dans l'objectif de les encourager à surmonter les difficultés de leur maladie, a-t-elle déclaré.
"Le staff médical veille, en application des recommandations du Conseil génétique, à expliquer aux parents d'enfants atteints de cette maladie héréditaire les risques pour de futures grossesses mais souvent en vain", ce qui constitue pour eux, selon Pr. Boukhari, un lourd fardeau sur les plans économique et social et même sanitaire au fil du temps.
== Le chemin reste long en dépit des développements de la chaine de soins ==
En dépit des développements enregistrés dans la prise en charge, en termes d'organisation et de chaine de soins, Pr. Boukhari estime que "le chemin reste long" pour atteindre les objectifs tracés, "raison de l'absence d'un réseau de soins intégré à travers le territoire national épargnant aux familles les désagréments d'un déplacements tous les 21 jours pour des transfusions et d'autres examens médicaux".
Par ailleurs, et concernant le traitement et la disponibilité de médicaments contre la surcharge en fer, Dr. Naciba Ben Ali Khoudja, pédiatre à la clinique du CHU Mustapha Pacha, a fait état de thérapies modernes utilisées dans des pays développés ayant donné des résultats "très satisfaisants", et qui permettent d'éviter au patient les séances de transfusion sanguine.
A ce propos, elle a exprimé le voue de voir les patients en Algérie bénéficier prochainement de ces nouveaux médicaments afin d'améliorer leur quotidien, plaidant pour l'encouragement de la greffe de cellules souches (transplantation de moelle osseuse), actuellement "inexistante" en raison de l'absence de centres spécialisés.
Selon Dr Ben Ali Khoudja, le Centre anti-cancer Pierre et Marie Curie (CPMC)"reste le seul à pratiquer les greffes de cellules souches chez les personnes adultes, ce qui place les thalassémique sur une interminable liste d'attente.
L'introduction du nouveau traitement et le lancement de la greffe de cellules souches restent des perspectives prometteuses, a-t-elle ajouté.
De son côté, le chef du service d’hémobiologie et de transfusion sanguine du CHU Mustapha Pasha, Pr. Issam Frigaa a affirmé, sur la base de données de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), que 1,5% de la population mondiale est porteuse du trait thalassémique et que 60000 enfants, atteints de la forme majeure, naissent chaque année, ainsi la prévalence variée entre 1.6 à 3 %, considérant que la maladie est fréquente en particulier dans le pourtour méditerranéen.
Le centre d’hémobiologie et de transfusion sanguine du CHU Mustapha accorde une importance particulière à la thalassémie en assurant le diagnostic de laboratoire qui enregistre des nouveaux cas chaque semaine en particulier dans le cadre des enquêtes familiales, a fait savoir Pr. Frigaa qui ajoute que le centre dispose également d'une banque de sang réservée et adaptée aux thalassémiques qui nécessitent une transfusion régulière chaque 03 à 04 semaines.
D'autre part, le chef du service de transfusion sanguine et de la banque de sang du CHU Hassani Isaad (Bani Messous), Pr.Salim Nekal a appelé les futures couples, en particulier ceux qui ont des liens de parenté, à faire un bilan prénuptial (électrophorèse de l’hémoglobine) pour éviter d'avoir des enfants thalassémiques.
Soulignant la nécessité de tirer les enseignements de pays qui sont parvenus à maitriser la maladie grâce à la prévention et au diagnostic précoce, il a appelé à l'aménagement des centres de transfusion sanguine "de manière à assurer, aux malades, une prise en charge optimale et un meilleur quotidien".
Le CHU de Beni Messous assure le suivi de quelque 300 thalassémiques de différentes catégories d'âge, a-t-il rappelé.
Source : APS