Selon les déclarations du porte-parole du mouvement, Fathi Ayadi, accordées à une radio privée locale.
Le Mouvement Ennahdha a estimé, mardi, que le Président de la République Kaïs Saïed est en train de contraindre le Chef du gouvernement Hichem Mechichi à la démission, pour le remplacer.
S’exprimant sur les ondes de la radio privée locale « Express FM », Fathi Ayadi, porte-parole du Mouvement d’obédience islamique a soutenu que, « ce qui se passe actuellement entre la Présidence de la République et celle du Gouvernement, est insensé », en référence aux tiraillements qui minent le sommet d’un exécutif bicéphale en Tunisie, sur fond de crise du remaniement ministériel.
Le 16 janvier dernier, Hichem Mechichi, avait procédé à un remaniement ministériel portant sur 11 portefeuilles (parmi 25). Cependant Saïed n’a pas adressé jusqu’à ce jour d’invitation aux 11 nouveaux ministres pour la prestation de serment, estimant que ledit remaniement « était entaché de violations ».
« Le chef de l’État Kaïs Saïed est en train de pousser le Chef du gouvernement Hichem Mechichi à la démission afin de le remplacer, cependant rien ne garantit que son remplaçant serait meilleur que lui », a déclaré le porte-parole du Parti Ennahdha.
« Quiconque prendra la place de l’actuel chef du gouvernement ne pourra pas faire mieux, il serait même pire au niveau du respect des libertés, de la démocratie et de l’État de droit » a souligné Fathi Ayadi.
Il a fait observer que la gravité de la situation actuelle réside dans la forte polarisation aux niveaux idéologique et politique, qui se reflète notamment dans les discours et les pratiques politiques.
Concernant la décision prise par Mechichi de révoquer 5 ministres, Ayadi a déclaré que c’était une mesure nécessaire pour garantir la continuité de l’action gouvernementale. « C’est une mesure préliminaire en attendant la résolution de la crise relative à la prestation de serment des nouveaux ministres », a mentionné le porte-parole du mouvement.
« Le Chef du gouvernement ne doit pas démissionner, c’est notre position», a-t-il insisté.
Au sujet de la correspondance envoyée par Saïed à Mechichi, Ayadi a estimé qu’elle comportait plusieurs indicateurs négatifs sur la situation générale qui prévaut dans le pays.
Le président de la République avait adressé lundi, une correspondance au Chef du gouvernement concernant les aspects juridiques du remaniement ministériel, et plus précisément au sujet de certaines dispositions de la Constitution qui ont été ignorées.
« La lettre comportait également le rappel d'un ensemble de principes selon lesquels le pouvoir politique en Tunisie doit exprimer la volonté du peuple », indique la présidence de la République dans son communiqué.
« Selon Saïed, l’élite qui dirige le pays est corrompue, on est passé du parti unique à un seul groupe corrompu. L’ensemble du Parlement est-il corrompu ?! », s’est interrogé ironiquement Ayadi, tout en soulignant qu’à aucun moment le chef de l’État n’a relativisé son dit, dans la missive adressée au chef du gouvernement.
« Il y a une logique de réflexion qui vise systématiquement le Parlement pour le dissoudre ou l’éliminer complètement, par conséquent, les tenants de cette ligne veulent un Chef de gouvernement qui s’inscrit dans cette perspective dans le but de mettre fin aux partis en tant qu’organisations politiques et à l’expérience démocratique en Tunisie », a-t-il expliqué.
« Les propos de Saïed sont en dernière instance un jugement porté sur les partis politiques et l’expérience démocratique en général. Pour lui, les partis au pouvoir ne sont pas aptes à diriger le pays », a-t-il indiqué.
« Cette lutte politique n’est pas aussi simple qu’on ne le croit, nous sommes confrontés à une nouvelle étape marquée par une problématique essentielle ; la continuité de l’Etat doit être assurée conformément aux résultats des urnes et des législatives, autrement dit, c’est le Parlement qui est responsable du gouvernement, qui contrôle l’action gouvernementale, qui légifère, ou au contraire, le Parlement n’a plus aucun rôle, et dans ce cas le gouvernement dépend du Président de la République, ainsi que les nominations », a expliqué Fathi Ayadi.
« Il n’y a pas d’autres solutions en dehors du dialogue », a assuré le porte-parole du Mouvement Ennahdha, estimant que « Kaïs Saïed veut mener les partis vers un autre régime politique, mais cela ne peut se faire que lors des prochaines élections ».
Le chef du gouvernement tunisien, Hichem Mechichi, avait décidé lundi de démettre cinq ministres de leurs fonctions et de nommer des ministres intérimaires déjà en fonction.
Cette décision intervient dans l’attente de « la finalisation des procédures du remaniement ministériel approuvé le 26 janvier 2021, et sur la base duquel, 11 nouveaux ministres ont obtenu la confiance du Parlement », précise un communiqué de la Présidence du gouvernement.
Le président tunisien avait critiqué mercredi dernier lors d’une rencontre avec des parlementaires, la tentative de recherche de ce qu’il a qualifié une « issue juridique impossible » à la crise de « prestation de serment constitutionnel », en déclarant que « le remaniement ministériel est entaché de nombreuses violations» et qu'il est « soucieux du respect et de l’application de la Constitution ».
Source : AA