A quelques jours du second anniversaire du Hirak, le chef de l’Etat doit faire face à plusieurs dossiers prioritaires, dont ceux des institutions bloquées et d’une économie à bout de souffle.
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, 75 ans, a regagné Alger vendredi 12 février après un nouveau mois d’absence. Evacué puis hospitalisé une première fois en Allemagne pendant deux mois du 28 octobre au 29 décembre après avoir été atteint du Covid-19, il avait dû retourner le 10 janvier se faire opérer à Berlin à la suite de « complications » au pied droit. Au total, le chef de l’Etat aura passé trois mois en Allemagne, alors que le contexte économique et social est de plus en plus tendu en Algérie.
Arrivé au pouvoir le 12 décembre 2019 avec la volonté d’incarner « la nouvelle Algérie », M. Tebboune retrouve une Algérie dans l’impasse, avec des institutions bloquées et une économie à bout de souffle. Parmi les dossiers prioritaires qu’il affirme vouloir régler, une nouvelle loi électorale qui devra être présentée au Parlement en vue des scrutins locaux et législatif anticipés, et qui pourraient être organisés d’ici au printemps. Mais le pouvoir retiendra-t-il les leçons du référendum constitutionnel raté du 1er novembre 2020, quand moins d’un électeur sur quatre s’était déplacé ?
Car, si M. Tebboune a assuré suivre « quotidiennement et heure par heure tout ce qui se passe en Algérie » pendant son séjour outre-Rhin, son absence s’est traduite par une crispation du régime à l’approche du second anniversaire du Hirak, le soulèvement populaire déclenché le 22 février 2019 et qui avait poussé le président Abdelaziz Bouteflika à la démission deux mois plus tard.
Une rente pétrolière qui s’amenuise
L’opposition est toujours interdite de se réunir, plus de 70 personnes restent détenues pour délit d’opinion, le travail de la presse indépendante reste entravé quand les médias publics relaient une rhétorique sur « les menaces extérieures » qui s’amplifie de semaine en semaine. « C’est une façon de déresponsabiliser les détenteurs du pouvoir. Le problème avec cette stratégie de communication est que plus on en abuse, moins elle est efficace », souligne la politologue Louisa Ait Hamadouche dans un entretien au média Tout sur l’Algérie (TSA).
Si un retour du Hirak n’est par nature pas prévisible – même si des appels à redescendre dans les rues sont lancés sur les réseaux sociaux –, une jonction entre le mouvement politique et les revendications socio-économiques n’est, elle, pas à écarter.
Au sud du pays, plusieurs manifestations ont eu lieu au mois de janvier en réaction à la dégradation des conditions de vie et aux mesures de lutte contre la propagation du Covid-19. Plusieurs débrayages ont également été lancés par les travailleurs des régions du nord. Les maux que l’Algérie de M. Bouteflika n’avait pas réglés, malgré son aisance financière, s’accumulent.
Le taux de croissance, déjà très faible en 2018 (1,4 %), anémique en 2019 (0,4 %), a plongé en 2020 sous les effets de la pandémie (– 6,5 %), alors que l’économie devrait créer 350 000 emplois par an pour ne pas aggraver le taux de chômage actuel, qui est de 15 % de la population active (mais le double chez les jeunes). Sans oublier des créations beaucoup plus importantes pour pouvoir le résorber dans un contexte où la rente des hydrocarbures s’amenuise : le volume global des exportations a reculé de 11 % en 2020 et leur valeur de 40 %.
Des réserves de change qui fondent
La loi de finances 2021, récemment ratifiée, prévoit une baisse des réserves de change à moins de 47 milliards de dollars, avant une reprise espérée et progressive les deux années suivantes. Entre 2014 et 2019, ces réserves ont fondu de près de 65 %, selon la Banque centrale. Ce chiffre devrait atteindre près de 75 % en 2021.
La politique monétaire du pays, qui consiste à laisser « déraper » le dinar pour renchérir artificiellement la valeur des rentées fiscales liées aux hydrocarbures (une fois converties en monnaie nationale), tire elle les prix des produits importés à la hausse et alimente l’inflation.
Au niveau régional, l’accord triangulaire entre le Maroc, les Etats-Unis et Israël et la reconnaissance par Washington de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental confortent un rapport de force diplomatique de plus en plus défavorable. A l’est du pays, l’ombre de la Turquie et de la Russie plane sur la désignation du nouveau gouvernement libyen.
M. Tebboune est également attendu sur la question mémorielle entre l’Algérie et la France, ancienne puissance coloniale. Le rapport de l’historien français Benjamin Stora, remis il y a près d’un mois au président Emmanuel Macron, n’a toujours pas suscité de réaction officielle à Alger.
Source : lemonde