En Algérie, un journaliste écroué après un article sur le mécontentement touareg

Correspondant du quotidien francophone « Liberté » à Tamanrasset, Rabah Karèche est accusé de diffusion de fausses informations pouvant porter « atteinte à la sécurité publique ».

Un journaliste algérien a été inculpé lundi 19 avril et écroué pour diffusion de fausses informations pouvant porter « atteinte à la sécurité publique » après un article sur un mouvement de protestation des Touareg dans le grand sud de l’Algérie, selon une association de solidarité avec les détenus d’opinion.

Rabah Karèche, correspondant du quotidien francophone Liberté à Tamanrasset, a été « placé sous mandat de dépôt » après son audition par un juge d’instruction du tribunal de cette ville du Sahara algérien, a précisé le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).

Le journaliste de Liberté a été présenté à la justice après avoir passé la nuit de dimanche à lundi en garde à vue au commissariat central de Tamanrasset, selon l’édition Web du journal. Il avait été convoqué par la police dimanche à la suite de la publication le jour même d’un compte rendu sur une manifestation des Touareg du Hoggar, qui protestaient contre un « nouveau découpage territorial ».

« Accusations fallacieuses »

Rabah Karèche, un journaliste expérimenté et respecté, établi de longue date à Tamanrasset, avait notamment rapporté que les habitants de cette région dénonçaient « l’expropriation de leurs terres au profit » des wilayas (préfectures) de Djanet et d’Illizi, nouvellement créées dans le sud du pays, à la faveur d’un nouveau découpage territorial.

Les populations touarègues de l’extrême-sud de l’Algérie, berbérophones, dénoncent régulièrement leur marginalisation économique et sociale au sein d’un Etat très centralisé. Rabah Karèche « est journaliste à Tamanrasset, loin de la relative sécurité des rédactions algéroises. M. Rabah dérange car il dénonce depuis des années les magouilles de l’administration et de certains notables locaux », a tweeté le journaliste indépendant Tarik Hafid sous le hashtag #le-journalisme-n’est-pas-un-crime.

Selon Liberté, il est reproché officiellement à M. Karèche la « création d’un compte électronique consacré à la diffusion d’informations susceptibles de provoquer la ségrégation et la haine dans la société », la « diffusion volontaire de fausses informations susceptibles d’attenter à l’ordre public » et « l’usage de divers moyens pour porter atteinte à la sûreté et l’unité nationale ».

« Il va de soi que ce ne sont là que des accusations fallacieuses qui cachent mal une volonté de faire taire le journaliste et l’empêcher d’accomplir en toute objectivité son travail, comme l’attestent ses nombreuses convocations, ces derniers mois par les services de sécurité », poursuit le quotidien, l’un des titres phares de la presse francophone algérienne.

Une réforme du code pénal décriée

« Connu pour son professionnalisme et son sérieux, Rabah Karèche a de tout temps fait de l’éthique et de la déontologie son sacerdoce », ajoute Liberté qui dénonce « avec la plus grande énergie cette énième atteinte à la liberté de la presse et exige la libération immédiate » de son journaliste.

Une réforme du code pénal adoptée en 2020 criminalise la diffusion de « fausses nouvelles » qui portent « atteinte à l’ordre public ». Leurs auteurs sont passibles d’un à trois ans de prison, voire le double en cas de récidive, selon le nouveau texte qui a été critiqué par les organisations de défense de la liberté de la presse.

Sur la défensive face au mouvement populaire du Hirak et à une grave crise socio-économique, le régime algérien n’hésite pas à poursuivre en justice des journalistes accusés de semer la discorde, de menacer l’intérêt national ou encore d’être à la solde de « parties étrangères ».

L’Algérie figure à la 146place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par Reporters sans frontières (RSF), dégringolant de 27 places par rapport à 2015.

Source : Le Monde avec AFP

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