Tunisie: Arrestation de l’avocat Ahmed Souab, membre du comité de défense des inculpés pour complot contre l’État

Les forces de sécurité tunisiennes ont arrêté lundi 21 avril l'avocat et ancien juge du Tribunal administratif Ahmed Souab, qui est également membre du comité de défense des personnalités condamnées pour ‘’complot contre la sûreté de l’Etat’’.

Il a été conduit au siège de l’Unité nationale d’enquête sur les crimes terroristes, dans la caserne de Bouchoucha à Tunis.

‘’Les forces de sécurité ont perquisitionné le domicile de l’avocat et ancien juge Ahmed Souab, avant de l’emmener au siège de l'Unité nationale d'enquête sur les crimes terroristes à Bouchoucha’’, a indiqué l'avocat Sami Ben Ghazi, dans un message publié sur son compte Facebook.

Me Ben Ghazi a expliqué qu'une décision portant interdiction aux avocats de rencontrer Ahmed Souab ‘’pendant 48 heures en vertu de la loi antiterroriste’’, a été rendue.

Selon une source judiciaire, citée par l’agence publique tunisienne TAP, le juge d'instruction près le Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme a ordonné, lundi, de placer en garde à vue, l'avocat Ahmed Souab qui fait face à une série d'accusations ‘’à caractère terroriste’’.

La porte-parole du Pôle judiciaire antiterroriste a indiqué à l'agence TAP qu'une information judiciaire a été ouverte contre Me Ahmed Souab, pour ‘’une série d'infractions terroristes et des crimes de droit commun y afférents’’.

Elle a ajouté que l'ouverture de l'information judiciaire a été décidée suite à la diffusion d'une vidéo montrant l'avocat Ahmed Souab en train de faire une déclaration, devant la maison de l'Avocat, le 19 avril 2025, en marge du procès relatif à l'affaire du complot contre la sûreté de l'État.

Dans cette vidéo, relayée sur les réseaux sociaux, Ahmed Souab a dit, en dialecte tunisien : ‘’Ce ne sont plus les détenus qui ont le couteau sous la gorge, mais plutôt le président de la chambre qui va statuer sur plusieurs dossiers’’, tout en faisant mine d'avoir le couteau sous la gorge par un geste de la main.

La chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme près le Tribunal de première instance de Tunis a prononcé, samedi, des peines allant de 4 à 66 ans de prison à l’encontre de 40 personnes accusées dans le cadre de l’affaire dite de ‘’complot contre la sûreté de l’État’’.

Sur les 40 accusés, une majorité réside à l’étranger. Huit étaient en liberté pendant le procès, et neuf sont détenus depuis février 2023. La peine de mort, bien que toujours inscrite dans le Code pénal tunisien, reste sous moratoire depuis 1991.

Ce méga-procès a été critiqué par plusieurs ONG et avocats de la défense comme une instrumentalisation politique de la justice. Il s’inscrit dans un climat de tensions croissantes depuis les mesures d’exception décrétées par le président Kaïs Saïed le 25 juillet 2021.

Le comité de défense (dont fait partie Ahmed Souab) a rejeté le verdict rendu dans cette affaire.

Dans un communiqué, le comité de défense a estimé que ‘’la justice n'a pas respecté les normes les plus élémentaires d'un procès pénal, outre l'absence de garanties fondamentales pour un procès équitable’’.

Tout au long de la procédure, des défenseurs des droits humains et des membres de la société civile ont organisé des rassemblements devant le tribunal de première instance de Tunis pour demander des audiences publiques en présentiel, et non en visioconférence, ainsi qu’un accès aux médias, en vain.

À ce jour, les autorités tunisiennes, tant judiciaires qu’exécutives, ne se sont pas exprimées publiquement sur le verdict ni sur ses implications.

Le substitut du procureur de la République près le Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme a indiqué que les charges retenues contre les accusés - dont des figures politiques, des avocats, des militants, des journalistes, des dirigeants de médias, d’anciens hauts responsables sécuritaires - portent notamment sur :

*Complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État ;

*Constitution ou appartenance à une entente terroriste ;

*Attentats visant à modifier la forme du gouvernement ou inciter à la guerre civile ;

*Provocation de troubles, meurtres et pillages en lien avec des actes terroristes ;

*Atteinte à la sécurité alimentaire et à l’environnement.

Il est entre autres reproché à un certain nombre de mis en cause d'avoir eu des ‘’contacts suspects’’ avec des diplomates.

Parmi les personnalités condamnées figurent Issam Chebbi, chef du parti social-démocrate Al-Joumhouri, Jawhar Ben Mbarek, co-fondateur de la principale coalition de l’opposition Front de salut national, et l'ex-ministre du Courant démocrate Ghazi Chaouachi, ainsi que l'avocat et ancien chef du cabinet présidentiel de Béji Caïd Essebsi, Ridha Belhaj et la militante des droits Chaïma Issa qui ont tous écopé de 18 ans de prison.

L'ancien dirigeant du parti Ettakatol, Khayam Turki, a été condamné à 48 ans de réclusion, alors que l’ancien ministre de la Justice et dirigeant du mouvement Ennahdha, Noureddine Bhiri a écopé de 43 ans de prison.

La peine la plus lourde de 66 ans a été infligée à Kamel Eltaïef, un homme d'affaires influent et ancien proche du régime Ben Ali.

Le 14 février 2023, le président tunisien Kaïs Saïed, a accusé certains prévenus d’être impliqués dans un complot contre la sûreté de l’Etat, les tenant, en outre, pour responsables de la pénurie des produits de base et de la flambée des prix en Tunisie.​​​​​​​

À maintes reprises le dirigeant tunisien a insisté sur l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Source: AA

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