Le Parlement européen a voté, jeudi, une résolution appelant à suspendre immédiatement le mémorandum d’entente conclu entre l’Union européenne et le Rwanda sur les chaînes de valeur des matières premières durables, signé le 19 février 2024.
Selon un communiqué du Parlement européen consulté par Anadolu, la résolution a été adoptée avec 443 voix pour, 4 contre et 48 abstentions.
“Le Parlement regrette que l'Union européenne n'ait pas pris de mesures appropriées pour résoudre la crise et faire pression sur le Rwanda pour qu'il cesse de soutenir le M23”, peut-om lire dans le communiqué.
“Il appelle la Commission européenne et le Conseil à suspendre immédiatement le mémorandum d’entente” signé entre les deux parties, poursuit le texte.
Les députés européens ont également demandé “à la Commission, aux États membres de l'UE et aux institutions financières internationales de geler l'aide budgétaire directe au Rwanda”, soutenant que la Commission et les pays de l'UE “devraient également cesser leur assistance militaire et sécuritaire aux forces armées rwandaises pour éviter de contribuer directement ou indirectement à des opérations militaires abusives dans l'est de la RDC”.
Concernant la situation dans l’est de la République démocratique du Congo, les députés européens ont fermement condamné “l'occupation de Goma et d'autres territoires (...) par les rebelles du M23 et les forces de défense rwandaises, qualifiant cette situation d'inacceptable violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la RDC”.
“Le gouvernement rwandais doit retirer ses troupes du territoire de la République démocratique du Congo et cesser sa coopération avec les rebelles du M23”, a déclaré le Parlement européen.
Les eurodéputés ont également dénoncé dans leur résolution “les attaques aveugles impliquant des armes explosives ainsi que les meurtres, les viols et autres crimes de guerre apparents dans les zones peuplées du Nord-Kivu par toutes les parties”, déplorant le “recrutement forcé et d'autres pratiques abusives par le M23 avec le soutien de l'armée rwandaise, ainsi que par les Forces armées congolaises (Fardc)”.
Ils ont par ailleurs exhorté “la RDC et le Rwanda à enquêter et à poursuivre les responsables de crimes de guerre, y compris les violences sexuelles, en vertu du principe de responsabilité du commandement”.
Cette résolution du Parlement européen intervient alors que les rebelles du M23 poursuivent leur progression dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, malgré la riposte annoncée par Kinshasa et le cessez-le-feu déclaré unilatéralement par les rebelles, “pour des raisons humanitaires”.
L’Union européenne et le Rwanda avaient conclu le 19 février 2024 un accord important pour “favoriser le développement de chaînes de valeur durables et résilientes pour les matières premières critiques”, dont le tantale, l’étain, le tungstène, l’or et le niobium.
Dans un communiqué rendu public le jour même, il est mentionné clairement que ledit accord a "pour objectif de renforcer le rôle du Rwanda dans la promotion du développement durable et des chaînes de valeur résilientes en Afrique".
Cet accord avait été critiqué par le président congolais Félix Tshisekedi le qualifiant de “condamnable”, dans la mesure où il devait permettre au Rwanda d’exporter à l’union européenne des produits miniers dont elle ne disposait pas, mais qu'il pillait illégalement en RDC, entre autres à travers le M23.
Le Mouvement du 23 Mars a été créé en 2012 par des militaires dissidents de l’armée congolaise. Après une brève montée en puissance, il a été défait en 2013 par les Fardc, appuyées par les Casques bleus de la Monusco. Cependant, le M23 a repris les armes en 2022, s’emparant de plusieurs localités dans la province du Nord-Kivu, située à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda.
Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir activement le M23 pour accéder aux richesses minières de la région. Ces accusations sont étayées par des rapports d’agences onusiennes, qui pointent un appui militaire rwandais au mouvement rebelle.
Le Rwanda réfute ces allégations, affirmant que le M23 est un mouvement congolais dirigé par des Congolais, bien que ses membres parlent le kinyarwanda, la langue rwandaise. Kigali rejette également les conclusions des rapports onusiens et rappelle avoir désarmé les rebelles du M23 qui s’étaient réfugiés sur son sol en 2012-2013, avant de remettre leur arsenal aux autorités congolaises.
Les rebelles du M23 revendiquent désormais le contrôle de Goma et ont déclaré leur propre administration dans la ville.
Depuis le 26 janvier, plus de 3 000 personnes ont été tuées, 2 880 blessées et plus de 500 000 déplacées, qui s'ajoutent aux 6,4 millions de personnes déjà déplacées à l'intérieur du pays, selon l'ONU.
Au moins 20 Casques bleus, dont 14 Sud-Africains, ont été tués lors des affrontements entre les rebelles du M23 et les forces congolaises.
Un sommet de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), tenu samedi 8 février à Dar Essalam en Tanzanie, a appelé les chefs des forces de défense déployés dans la région à mettre en place un ‘’cessez-le-feu immédiat et inconditionnel’’ dans un délai de cinq jours, avec la perspective d'ouvrir un dialogue entre les autorités congolaises et les rebelles du M23.
Pour la RDC, le M23 est un groupe ‘’terroriste’’ et toute forme de négociation est catégoriquement rejetée.
Source: AA