Le régime syrien a utilisé des armes chimiques lors d’une attaque en 2018, selon l’OIAC

L’enquête de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques établit la responsabilité de l’armée syrienne dans une attaque au chlore perpétrée en 2018 sur la ville de Saraqueb.

L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a établi, lundi 12 avril, après une enquête, que l’armée de l’air syrienne a utilisé du chlore, une arme chimique, lors d’une attaque dans la ville de Saraqueb en 2018.r

L’équipe d’enquêteurs de l’OIAC « conclut que des unités de l’armée de l’air arabe syrienne ont utilisé des armes chimiques à Saraqeb le 4 février 2018 », a déclaré l’organisation dans un communiqué. Elle explique avoir mené une enquête fouillée avec, notamment, les interviews de témoins de la scène, des analyses d’échantillons collectés sur le lieu de l’attaque ou encore l’étude d’images satellite.

Chargée d’identifier les auteurs d’attaques chimiques, l’équipe d’identification et d’enquête (IIT) de l’OIAC, qui siège à La Haye, a déterminé « qu’il existe des motifs raisonnables de croire » qu’à « environ 21 h 22, le 4 février 2018, un hélicoptère militaire de l’armée de l’air syrienne, sous le contrôle des forces Tigre, a largué au moins un cylindre sur la partie est de Saraqueb. Le cylindre s’est rompu et a libéré du chlore sur une large zone, affectant douze personnes », détaille le rapport.

Les enquêteurs de l’OIAC ont interrogé 30 témoins, analysé des échantillons prélevés sur les lieux, examiné les symptômes signalés par les victimes et le personnel médical, ainsi que des images satellite afin de parvenir à leurs conclusions. Les symptômes « comprenaient essoufflement, irritation de la peau, douleur thoracique et toux », selon le rapport. Les enquêteurs ont affirmé « regretter » que le régime syrien leur ait refusé l’accès au site même de l’attaque, malgré des demandes répétées.

L’hypothèse d’une mise en scène écartée

Damas et ses alliés ont à plusieurs occasions affirmé que des attaques chimiques avaient été « mises en scène », en Syrie, afin d’accuser le régime – une hypothèse écartée lundi par les enquêteurs.

« L’IIT a considéré, en particulier, l’hypothèse selon laquelle l’incident aurait été mis en scène par des groupes armés terroristes afin de forger des accusations contre l’armée arabe syrienne », a déclaré dans un document publié sur le site de l’OIAC le coordinateur de l’IIT, Santiago Oñate. « Plusieurs pistes ont été suivies à cet égard. Cependant, ces pistes n’étaient étayées par aucune preuve concrète, et l’IIT, malgré de nombreuses tentatives, n’a pas été en mesure de corroborer ces hypothèses », a-t-il ajouté.

« Le recours à ces armes par le régime syrien, documenté et irréfutable, est inacceptable », a déclaré lundi, dans un communiqué, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, soulignant qu’une « réponse appropriée » devait être apportée. « Une violation aussi manifeste du droit international ne doit pas rester sans conséquences », a, pour sa part, estimé le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, dans un communiqué. « Les responsables doivent rendre des comptes », a-t-il ajouté.

L’ITT a publié son premier rapport il y a un an, dans lequel elle a établi que l’armée de l’air de Bachar Al-Assad avait lâché des bombes contenant du sarin et du chlore en 2017 à Latamné, dans le nord de la Syrie, violant ainsi la Convention sur les armes chimiques.

Des ordres venus d’en haut

Malgré de fortes objections de la part de la Syrie et de ses alliés, dont Moscou, une majorité des Etats membres de l’OIAC avaient autorisé en 2018 l’organisation à désigner l’auteur d’une attaque chimique et non plus seulement à documenter l’utilisation d’une telle arme. L’OIAC avait ainsi déjà confirmé, en mai 2018, que du chlore avait été utilisé à Saraqueb mais n’avait alors pas déterminé quelle partie au conflit en avait fait usage.

Cette fois, ses enquêteurs estiment que les ordres devaient provenir de hauts responsables et qu’il n’y avait aucune indication que des « éléments ou individus solitaires » en soient à l’origine.

« L’IIT a obtenu des informations de diverses sources suggérant que, pour que les armes chimiques soient utilisées de la manière décrite ci-dessus, des ordres seraient requis », explique le rapport complet.

Bien qu’il n’y ait pas de « chaîne de commandement spécifique » identifiée, le commandement général militaire syrien semble avoir « délégué les décisions sur l’utilisation du chlore aux commandants au niveau opérationnel », ajoutent les enquêteurs.

Le déni de Damas

Le gouvernement syrien nie toute implication dans des attaques chimiques, affirmant avoir remis tous ses stocks d’armes chimiques sous supervision internationale aux termes d’un accord conclu en 2013.

Les Etats membres de l’OIAC voteront plus tard ce mois-ci sur la possibilité d’imposer des sanctions contre la Syrie, qui pourrait voir son droit de vote au sein de l’organisation suspendu si le pays ne prend pas de mesures.

L’OIAC avait précédemment enjoint la Syrie à déclarer toutes les armes chimiques restantes dont elle dispose, y compris le sarin et le chlore, les puissances occidentales exprimant leur inquiétude que Damas ne les ait pas toutes détruites.

Le directeur général de l’organisation, Fernando Arias, a déclaré en mars qu’il existait encore des lacunes et des incohérences dans les rapports envoyés par la Syrie à l’OIAC.

Selon l’ONU, Damas n’a toujours pas répondu à 19 questions posées depuis des années sur des installations qui auraient pu être utilisées dans la production ou le stockage d’armes chimiques.

Source : Le Monde avec AFP

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