N’Djamena : le sommet du désengagement français au Sahel ?

Dans un contexte de crise sécuritaire, politique et humanitaire, les chefs d'État participant à la réunion du G5 Sahel la semaine prochaine, devront s'accorder sur l'évolution de la feuille de route sécuritaire pour la région.

Lundi et mardi prochain, se tiendra le Sommet du « G5 Sahel » à N’Djamena, la capitale tchadienne, afin d'évaluer l'efficacité de la réponse sécuritaire apportée par les partenaires locaux et internationaux dans la région du Sahel face aux crimes perpétrés par les groupes armés terroristes (GAT), et de faire évoluer les dispositifs sécuritaires en place pour atteindre les objectifs fixés aux cours du précédent sommet de Pau tenu en janvier 2020.

Dans un contexte de crise sécuritaire, humanitaire, politique, sociale, économique et environnementale,  les chefs d'État du G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Maurtianie) ainsi que de la France participant à la réunion à laquelle l'Allemagne est également invitée, devront s'accorder sur l'évolution de la feuille de route sécuritaire pour la région.

La question d'un éventuel retrait progressif des forces françaises de Barkhane continue d'agiter la presse et les réseaux sociaux.

Interrogés cette semaine par l'Agence Anadolu (AA), le président du Réseau Afrique Stratégies (RAS), Abdou Fleur, ainsi que le président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), Emmanuel Dupuy ont évalué la situation sécuritaire, politique et humanitaire au Sahel, à quelques jours du sommet du « G5 Sahel ».



- La question du départ des Forces armées françaises du Mali

Le président du think tank Réseau Afrique Stratégies (RAS), Abdou Fleur convient que  «  la France devra finir par quitter le Mali. C'est une évidence », note le chercheur sénégalais soulignant cependant que « la France n'a pas encore achevé sa mission au Sahel », Fleur faisant état d'un « besoin [local] de l'aide française », notamment sur le plan sécuritaire mais aussi de soutien au développement, que le chercheur juge « insuffisant et inadapté dans l'état actuel ».

Faisant référence à l'opinion publique malienne exprimant dans la presse et les réseaux sociaux ses doutes, voire son opposition à la présence militaire française dans son pays, Fleur note qu'« Il est légitime pour cette population de poser des questions : des familles ont donné le nom de François Hollande à leur enfant, accueilli par des foules en liesse. Il est légitime pour la population africaine de se poser ces questions, sachant que le terrorisme continue de gagner du terrain malgré tous les revers », note le chercheur faisant notamment référence à la visite de l'ancien Président français dans la capitale Bamako et à Tombouctou (où il a prononcé sa célèbre phrase « c’est le plus beau jour de ma vie »), le 2 février 2013, quelques semaines après le lancement de l'opération Serval, initiée à l'invitation du Président de transition, Dioncounda Traoré, face à ce qui avait alors été présenté comme la menace portée par les groupes armés terroristes (GAT) sur la capitale, ainsi que la survie de l'État malien.

Dans un article [1] vérité qui revient sur les conditions de l’engagement français au Mali les 10 et 11 janvier 2013, et publié vendredi par le quotidien français « L'Opinion », Jean-Dominique Merchet questionne le « storytelling » de la France, le journaliste émérite notant que « Le récit des conditions dans lesquelles l’armée française est intervenue au Mali en janvier 2013 est une construction politique assez éloignée de la réalité des faits, notamment sur l’urgence de la menace ».

Interrogé par AA avant la publication de cet article, Abdou Fleur fait état d'une « méfiance claire et réelle, voire une opposition de la population malienne à l'égard de la présence militaire française dans son pays », en référence notamment à l'opération « Barkhane » ayant succédé en 2014 à  Serval [2].


Le président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), Emmanuel Dupuy, interrogé cette semaine par AA, ne manque d'ailleurs pas de souligner ce qu'il qualifie de « paradoxe absolu » : 

« La France dira à N'Djamena que les opérations antiterroristes fonctionnent, et elle donnera des statistiques, précisera le nombre des terroristes neutralisés, rappellera que 500 armés légères ont été détruites ou saisies, cela traduisant une réelle efficacité des opérations militaires, parmi lesquelles figure la très médiatisée Opération « Éclipse », menée du 2 janvier au 3 février, sur 400 km de front et 200 km de profondeur, dans la région des « trois frontières » entre les localités de Hombori, Boulkessi et Douentza, et  qui aura ainsi engagé, de manière exemplaire, 1500 militaires français, 900 Burkinabés, 850 Maliens et 150 Nigériens », note le chercheur français, faisant référence à la vaste zone sahélienne entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, décrite comme la région des « trois frontières ».

« Cependant, souligne Emmanuel Dupuy,  il demeure le paradoxe, de l'augmentation du nombre des victimes civiles, exponentielle au cours des trois dernières années (2018, 2019, 2020), avec notamment 4250 victimes civiles pour la seule année 2020 ».

« Tout cela nourrit un sentiment de flou » dans les opinions publiques sahéliennes, mais également dans l'opinion française, estime Dupuy qui rappelle que "selon un récent sondage Ifop pour le magazine français, Le Point, 51% des Français doutent du bien fondé de l'opération Barkhane. On s'approche du point de rupture politique", note le chercheur précisant qu'en "janvier 2013, au lancement de l'opération Serval, ayant précédé Barkhane, 73% des Français était favorable à l'intervention française au Mali."

Le chercheur français souligne également que « la sensibilité médiatique africaine, mais également d'autres pays, demeure importante sur l'opposition des Maliens à la présence française ». Dupuy estime que les doutes et l'hostilité exprimés dans la presse et les réseaux sociaux à l'égard de la présence militaire française au Mali mais également au Sahel dans son ensemble, notamment à travers l'opération antiterroriste Barkhane « sont des facteurs qui doivent et seront évidemment pris en compte par les chefs d'État allant se réunir sur place et en distanciel, lundi et mardi prochains, lors du Sommet du G5 Sahel. Cela inclut bien sûr le Président [français] Emmanuel Macron », note le président de l'IPSE.


- Passage du relais de Barkhane aux forces du G5 Sahel

Le président du RAS, Abdou Fleur constate qu'il demeure encore de nombreux obstacles au retrait de l'Armée française du Sahel, le chercheur estimant que le « passage du relais » aux forces armées nationales ou régionales du G5 Sahel, (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie) « ne peut pas se finaliser alors que la reconstitution des forces locales fortement éprouvées par les défis sécuritaires des années voire des décennies passées, n'est pas encore terminée », Fleur ajoutant que « sur la formation des armées nationales de ces pays, on ne peut pas réellement parler d'aboutissement ou même de réussite en tant que telle, le président du RAS estimant que « l'on a raté quelque chose sur ce transfert de flambeau, en dehors de l’initiative du G5 Sahel qui reste limitée parce qu'elle n'est pas inclusive et ne prend pas en compte d'importants acteurs régionaux tels que l'Algérie ou le Sénégal ».

« On ne peut penser la sécurité du Sahel, sans des acteurs essentiels tels que l'Algérie, ou le Sénégal ; il y a un réel besoin d'inclure tous les acteurs régionaux ; Mauritanie mais Maroc aussi », note le chercheur réitérant sa conviction que « Cette lutte doit inclure tout le monde, sinon dans 7 ans nous reposerons les mêmes questions, notamment celle du départ de la France ».

Fleur estime également que la force européenne, « Takuba devrait mettre l'accent sur la formation, davantage que sur le soutien aux opérations antiterroristes ».

Constituée d'unités d'élite de pays membres de l'Union européenne (UE), la Force Takuba [3], [4] vise notamment à la formation des Forces Armées Maliennes (FAMa) ainsi qu'à l'européanisation de la mission française Barkhane de lutte antiterroriste au Sahel. L'exécutif français, en tête duquel le Président Macron, ainsi que le Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, et la Ministre des Armées, Florence Parly, ont  multiplié les initiatives en 2020, afin d'obtenir le soutien de partenaires européens pour assister et soulager l'opération Barkhane, déployant 5 100 soldats dans le Sahel.

« Face à ce qu'il décrit comme une « montée en force des programmes de formation européens, la solution est locale et régionale, s'agissant de la sécurité, qui inclut également le renseignement » note le président de RAS, soulignant que le multilatéralisme prôné par une partie de la communauté internationale, doit laisser place au régionalisme africain ».

« Le travail de transmission du flambeau n'est pas assuré », note Fleur ajoutant que « L’inclusivité manque dans une zone aussi grande et poreuse qu'est le Sahel. »,


- Évolutions de Barkhane et des missions européennes au Mali

Concernant les éventuelles évolutions de Barkhane qui seront discutés ou actés lors du prochain sommet à N'Djamena, Emmanuel Dupuy évoque « une adaptation du dispositif sécuritaire de la France », le chercheur français notant qu'« Il s'agit d'une longue mutation vers une moindre implication, qui inclut une réduction des effectifs présents, ainsi qu'une préparation à la transition vers les troupes locales, à une passation du relais ».

Une réduction de 600 hommes serait prévue dans le dispositif de Barkhane, ce qui ferait passer le nombre de militaires français déployés au Sahel de 5100 vers 4500, soit le même chiffre qu'en 2019.

« Plutôt que de parler d’un départ précipité des 5100 militaires français déployés au Sahel, au regard des récentes attaques qui ont tué cinq militaires français, le mois dernier, faut-il sans doute davantage évoquer la préparation du passage de relais aux forces armées constitutives du G5-Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina-Faso, Tchad) », note le président de l'IPSE.

« C’est d’autant plus nécessaire que la reconstitution de ces dernières, favorisée par les différents programmes européens (notamment EUTM, EUCAP SAHEL MALI, EUCAP SAHEL NIGER) constituera la réponse la plus résiliente et pérenne au vide sécuritaire qui a favorisé l’enkystement des groupes armés (notamment rebelles touaregs et groupes d’autodéfense peuls) et organisations terroristes (tant celles liées à Al Qaida (GSIM - dirigé par Iyad Ag Ghali) et celles ayant prêté allégeances à Daech, notamment l'EIGS - dirigée depuis mai 2015 par Abou Walid Al-Sahraoui, ou encore le mouvement nigérian Boko Haram, créé en 2009, agissant tant à l’est du Niger, au sud-ouest du Tchad ou au Nord-ouest du Cameroun) », constate encore Dupuy.

« Le Chef d’état-major français des Armées, le Général François Lecointre a évoqué, à cet effet, le 17 décembre, que la France avait sans doute « fait le tour du cadran » permettant de limiter à l’avenir le niveau d’engagement des forces françaises. Il en sera question, en effet, lors du prochain sommet de N’Djamena, réunissant la France à ses partenaires, dans le cadre de la présidence tchadienne du G5-Sahel », note le président de l'IPSE, estimant que « les Forces du G5 Sahel ne sont pas prêtes à prendre le relais car il n'y a pas encore assez d'effectifs formés, et les armées ne sont pas reconstituées, notamment les FAMa qui recouvrent seulement leurs capacités en termes de volume », estime Dupuy.

Le chercheur constate une « européanisation du discours, du narratif des opérations françaises dans le Sahel, notamment avec la Task Force Takuba incluant 8 pays (Suède, Tchéquie, Estonie, Lituanie, Danemark, Portugal, Pays-Bas).

Dupuy rappelle que « suite au décès des 5 soldats français, on a vu le déploiement des forces tchèques, ainsi que le soutien de l'Allemagne et du Royaume-Uni. Hongrie, Grèce et Ukraine ont promis d'envoyer des soldats, », ajoute le président du think tank européen IPSE, notant que « le soutien des pays de l'UE reste encore limité mais l'évolution est positive ».

Rappelant que 930 soldats allemands font partie de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali (Minusma), Dupuy constate cependant, une contradiction dans la conception qu'ont la France et l'Allemagne de la coopération internationale :

« Nous croyons à l'unilatéralité de nos opérations, alors que les Allemands sont multilatéraux dans leur fonctionnement, dans leur logique, notamment en agissant par le biais d'une résolution onusienne et à travers la Minusma », estime Dupuy.


- Augmentation du nombre des victimes des violences et Relatif renforcement des groupes armés terroristes actifs au Sahel

Abdou Fleur fait état d'un « relatif renforcement des groupes armés terroristes » (GAT) au Sahel, le chercheur sénégalais rapportant que « le terrorisme continue de gagner du terrain malgré tous les revers militaires subis en 2020 ».

« Les GAT disposent également d'armes de plus en plus sophistiquées », constate encore Fleur.

Le président du RAS évoque notamment « l'attaque terroriste menée  avec des blindés, le 3 février 2021 dans le centre du Mali, et ayant coûté la vie à 10 soldats Maliens »,

« Le nombre des victimes civiles augmente exponentiellement depuis 2018, et on constate désormais que les terroristes ont des armes sophistiquées », déplore le chercheur, déclarant que « le mal est venu de l'intervention française Libye en 2011, qui a permis la circulation des armes vers le Sahel ».

« L'intervention en Libye est à l'origine de la montée en flèche du terrorisme et de la violence dans le Sahel », note encore le Président du RAS, décrivant  la guerre en Libye comme « le grand facteur oublié ».

Une intervention militaire multinationale, notamment française (à travers l'Opération Harmattan), menée sous l'égide de l'Organisation des Nations unies (ONU) en 2011 avait abouti au renversement du « Guide de la révolution » libyenne, Mouammar Khaddafi, dans le contexte des « printemps arabes » et au déclenchement de la guerre civile libyenne.

Fleur  souligne également une « contradiction entre le fait que les forces françaises aient réussi à tuer de nombreux terroristes mais aussi des chefs de GAT d'une part, et d'autre part, une augmentation du nombre des victimes militaires et civiles ».

« Le terrorisme gagne de plus en plus de terrain, c'est paradoxal, Cela indique donc la nécessité de se poser la question, si la solution est militaire seulement, et s'il ne manque pas un volet politique, social, économique également », note le Président de RAS.

Analyse similaire pour Emmanuel Dupuy. Le président de l'IPSE rappelle que « la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) est certaine que des GAT veulent étendre leurs théâtres d'opération aux pays périphériques du Sahel, ces derniers évoquant notamment une migration vers le Golfe de Guinée » qui serait en préparation. 

« Cela témoigne de la dangerosité, dans l'état actuel, des GAT ».

« On constate un vrai paradoxe : 1000 terroristes mis hors d'état de nuire en 2020 par Barkhane et les forces armées africaines du G5 Sahel, et une bonne partie des opérations sont maintenant menées de manière concertée (comme l'opération Éclipse) avec les forces du G5 Sahel, Cependant, on constate également une augmentation du nombre des attaques et des victimes », déplore Dupuy.

« Comme l'établit le dernier Rapport ACLED [Armed Conflict Location and Event Data Project] – on constate une augmentation des victimes civiles des armées, une diminution de la violence intracommunautaires, et une stabilisation du nombre des victimes des GAT », note encore le président de l'IPSE, rappelant le nombre de  4250 victimes civiles pour la seule année 2020, essentiellement dans la zone des « trois frontières » et le Bassin du Lac Tchad. Le chercheur évoque un nombre cumulé de 13000 victimes des violences depuis 2012, aux mains des GAT, mais aussi suite à des exactions militaires, et à des violences intercommunautaires.

Dupuy note également qu'outre le coût financier des opérations onusiennes, et européennes et françaises de stabilisation sécuritaire dans le Sahel, notamment « 911 millions d'Euros pour Barkhane en 2020, l'opération française la plus chère depuis 1962 », il existe un également un coût humain pour les forces combattant dans le Sahel, notamment « 3000 soldats maliens, 141 Casques, 55 soldats français dont 50 en opération ».


- Contexte politique instable au Sahel

La réponse à la crise sécuritaire au Sahel ne peut évidemment pas reposer sur le seul aspect militaire, estiment Abdou Fleur et Emmanuel Dupuy.

Dupuy souligne notamment l'importance du contexte politique actuel dans la région, pouvant provoquer de l'instabilité :

« L'engagement militaire est, sans doute insuffisant avec un contexte politique très particulier », constate Dupuy,

« En août dernier, il y a eu un coup d'État militaire au Mali où nous sommes dans une période de transition qui nous amènera vers des élections d'ici mars 2022. Les élections présidentielles et législatives viennent juste de se tenir au Burkina Faso (avec la réélection du Président Roch Marc Christian Kaboré), Ouagadougou étant focalisée d'ailleurs sur l'enjeu sécuritaire alors qu'un quart du territoire échappe au contrôle de l'État; et bien évidemment, des élections se sont également tenues il y a quelques semaines au Niger avec le second tour prévu pour le 21 février ; des scrutins se tiendront en avril au Tchad, donc il y a un contexte politique auquel les militaires français et la France doit évidemment faire face », souligne le président de l'IPSE.

« Ce « paradoxe » mêlant changement et continuité dans le leadership politique autant que dans celui du commandement des appareils sécuritaires est une contrainte supplémentaire pour Paris », note Dupuy.

S'agissant de la situation politique des pays du Sahel, notamment du Mali, le chercheur français fait état d'« une nécessaire adaptation du dispositif militaire français, pour répondre à cette situation politique nouvelle qui implique la volonté - légitime - d’asseoir la stabilisation des états sahéliens sur un dialogue inclusif impliquant, comme l’a récemment rappelé le Premier ministre malien, Moctar Ouane « d'engager le dialogue avec tous les Enfants du Mali sans exclusive, affirmant vouloir être en phase avec la volonté des Maliens et de tenir compte des réalités nationales ».

Le chercheur ajoute qu'il « revient, bien évidemment, aux Maliens d’en déterminer le format et le calendrier », et que les débats au sein de l'exécutif français quant aux interlocuteurs avec lesquels il est possible de négocier ou non, ont peu de pertinence dans ce sens.

Dupuy en appelle à « revenir aux tâches prioritaires que la Communauté internationale avait appelé de ses vœux en 2013-2014, en sollicitant l’intervention militaire française et en la complétant par la mise en place de la MINUSMA ».

Le président de l'IPSE rappelle ces priorités :

« Le retour de la sécurité, la mise en place d’un processus de stabilisation, la garantie de la protection des civils, l'appui au dialogue politique national et à la réconciliation nationale, l'appui au rétablissement de l’autorité de l’État dans tout le pays, la reconstruction du secteur de la sécurité malien, la promotion et la protection des droits de l’homme, et de l’aide humanitaire »,

 « Ce sont précisément les fondements sur lesquels la transition permettra la tenue dans le pays, d’élections présidentielle  et législatives plus inclusives que celles de 2018 et de 2020, ayant abouti au coup d’État du 18 août dernier », conclut le chercheur soulignant l'importance du dialogue politique inclusif.


- Situation humanitaire, sociale et économique, catastrophique

Faisant référence au denier rapport du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) des Nations unies évoquant « un triste record »,  Abdou Fleur et Emmanuel Dupuy rappellent la situation humanitaire catastrophique  au Sahel.

« 31,4 millions de personnes en besoin d'une aide alimentaire urgente », souligne notamment Dupuy.

«  Plus de deux millions de personnes déplacées dans leur propre pays en 2020 au Sahel,», note Fleur, « majoritairement du Mali et du Burkina Faso, ainsi que 3 millions de déplacés au Nigeria », précise Dupuy.

Dupuy rappelle également qu'au Mali, « 3500 écoles sont fermées pour des raisons d'insécurité. On constate donc une insécurité éducative », note le président de l'IPSE.

Selon le HCR, les déplacements forcés « ont quadruplé en deux ans seulement, alors qu'il faisait état de 490 000 personnes « déplacées internes » au début de 2019 ».

Le HCR explique la gravité de la situation par la « violence incessante » des groupes armés terroristes, des bandes criminelles ainsi que par les affrontements intercommunautaires au Burkina Faso, au Mali, ai Niger et au Tchad.

La situation est absolument critique selon le HCR, faisant état d'une disparité entre les moyens financiers et matériels disponibles aux États du Sahel d'une part, et l'ampleur des besoins réels de ces pays faisant face à des famines, des crises migratoires, mais également des crises économiques et sociales, accentuées par la crise sanitaire et économique due à la pandémie de la Covid-19.

Le HCR appelle la communauté internationale à « agir maintenant pour aider les pays du Sahel à lutter contre les causes profondes de ce déplacement forcé, pour stimuler le développement stratégique et durable ainsi que pour renforcer les institutions, telles que les écoles et les hôpitaux, dont beaucoup ont fermé en raison de la violence persistante ».

Emmanuel Dupuy souligne la situation paradoxale dans laquelle se trouvent les pays du Sahel, le chercheur notant que la défense et la sécurité constituent 22% des dépenses budgétaires du Tchad, 17% pour le Niger, et à hauteur de 20%,pour le Mali, soit une multiplication par quatre du budget de la défense depuis 2013

Le président de l'IPSE fait également état d'une mauvaise gestion financière dans certains pays de la région, notamment au Mali, ayant beaucoup souffert, au cours des années passées, de problèmes structurels tels que de la corruption et les détournements de fonds.

« Le Niger prévoit de doubler ses effectifs d'ici 2023 malgré la crise économique et l'insuffisance des fonds à sa disposition », note encore Dupuy estimant que la situation est encore plus sévère au Burkina Faso, avec des pans entiers du territoire échappant au contrôle de l'État, et «  un million de Burkinabés déplacés depuis l'année dernière, soit 7 fois plus depuis 2019, non seulement du fait de la menace terroriste, mais aussi celle de la famine », ajoute le chercheur français.

« Alors que le programme Sahel des Nations Unies pour l’aide humanitaire (OCHA - Sahel) indique qu’il conviendrait de mobiliser 6,5 milliards de dollars pour l’aide humanitaire et alimentaire d’urgence au profit des 31 millions de Burkinabés, Maliens, Tchadiens, Camerounais, Nigérians, seulement 46% de la somme a été décaissée (3 milliards de dollars) », conclut le chercheur français.

Source : AA

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