Plusieurs milliers de personnes ont manifesté hier à Alger réclamant la libération des détenus du Hirak et rejetant les prochaines élections législatives.
Des milliers de personnes ont battu hier le pavé, à Alger, dès la fin de la prière du vendredi, vers 13h20, plus de deux mois après la reprise du Hirak, le 22 février dernier. Les rues d’Alger ont vibré aux slogans antisystème habituels des manifestants, visiblement déterminés à maintenir la pression de la rue et poursuivre la contestation, malgré les tentatives de récupération et les polémiques de ces dernières semaines entourant le Hirak.
Comme il fallait s’y attendre, l’arrestation de plusieurs activistes, dimanche et lundi derniers — 24 au total — était sur toutes les lèvres. Beaucoup de colère sur le visage d’hommes, de femmes et de jeunes. Dès le début de la manifestation qui s’est ébranlée de la mosquée Errahma, à Alger-Centre, les protestataires ont scandé des slogans réclamant la libération “immédiate et sans condition” des hirakistes pacés sous mandat de dépôt la semaine dernière.
“Libérez nos enfants”, “Attaquez-vous aux vrais corrompus du système, pas aux citoyens pacifiques”, “Libérez-les afin qu’ils passent le Ramadhan en famille”, ont martelé les femmes présentes au milieu de la foule. Beaucoup d’écriteaux et de pancartes ont réclamé également une justice libre et indépendante.
“Que cesse la justice du téléphone”, “Que cessent les arrestations arbitraires”, “Justice indépendante”, “Je suis en colère contre l’arbitraire”, “Nos enfants ne constituent pas une menace, la menace vient de vous” sont autant de slogans écrits en gras et en gros sur les pancartes brandies par les citoyens. L’ombre du célèbre jeune poète du Hirak a plané également sur toute la manifestation.
Les marcheurs, à la rue Didouche-Mourad, Hassiba-Ben Bouali, au centre d’Alger ou encore, à Bab El-Oued, à l’Ouest, ont réclamé, à l’unisson, la libération du “poète du Hirak”.
Les manifestants ont laissé éclater leur colère contre l’arrestation, dimanche, de Mohamed Tadjadit, avec quatre autres jeunes, tous poursuivis dans l’affaire de Saïd C., âgé de 15 ans, arrêté samedi dernier, lors d’une tentative de marche, avant d’être relâché en fin de journée. Une vidéo, dans laquelle apparaissait Tadjadit, le montrant en pleurs et en colère, et dans laquelle il a accusé des policiers de graves dépassements, avait provoqué un véritable tollé au sein de l’opinion.
La marche, à Alger, a été également une occasion pour beaucoup de citoyens d’affirmer leur rejet des prochaines élections législatives. Vers 15h, quand les cortèges sont arrivés des quartiers de Bab El-Oued et de Belouizdad au centre d’Alger, la foule a scandé des slogans contre ce qu’elle considère comme un “simulacre” de vote. “Makkach intikhabate m3a el 3issabate” (pas d’élections avec la mafia), “Dégagez tous”, “Votre simulacre d’élections ne passera pas” ont scandé les manifestants qui semblent, plus que jamais, déterminés à barrer la route à ces échéances.
Pour de nombreux citoyens, seule la reprise de la souveraineté populaire permettra de remettre l’Algérie dans la voie d’un État de droit. Et ce ne sont, visiblement, pas les “mises en garde” des autorités qui feront reculer les Algériens engagés.
La mobilisation citoyenne montera-t-elle en puissance à mesure qu’approche ce rendez-vous électoral ? “Sans aucun doute”, prédit le chercheur et sociologue Rabeh Sebâa. Pour lui, il faut s’attendre, les prochaines semaines, à une montée en puissance des manifestations, comme lors des précédentes échéances électorales, soit l’élection présidentielle et le référendum sur la Constitution.
“Le contexte préélectoral va sans doute galvaniser les hirakistes à l’occasion de ces élections, perçues par la plupart des Algériens comme un passage en force du pouvoir en place contre la volonté des Algériens qui réclament un changement profond et une rupture radicale avec le système”, analyse-t-il.
Source : La Liberte