Crise financière en Tunisie : Les conditions du FMI pour venir en aide aux Tunisiens

Le vice-président du groupe de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, le Tunisien Farid Belhaj, vient de rentrer à Washington après une visite en Tunisie, avec la conviction que les Tunisiens doivent dépasser leurs divisions internes pour faire face à la grave crise économique et financière que traverse leur pays.

Cela fait plus de dix ans que les organismes financiers internationaux ont demandé à la Tunisie de mettre à niveau ses entreprises publiques et son régime de retraite, d’alléger le poids salarial de sa Fonction publique par rapport au PIB et de trouver une formule plus rationnelle pour la compensation afin qu’elle aille aux nécessiteux. Le plan d’aide sur quatre ans de 2,9 milliards de dollars, entamé avec le FMI depuis 2016, contre la mise en œuvre des réformes exigées, n’a pas réussi.

Le pouvoir accuse la centrale syndicale de freiner les réformes exigées, notamment celles de la mise à niveau des entreprises publiques, le redéploiement de la compensation et la compression de la Fonction publique. La puissante UGTT demande à ce que les pouvoirs publics réforment le fisc, pour trouver des fonds auprès de ceux qui en disposent. Ce renvoi d’accusations n’a pas servi les intérêts de la Tunisie, et la crise s’est approfondie – une croissance, hors-Covid, quasi-nulle, un déficit de près de 7% du Budget, un déficit commercial de près de 20% – alors que les autorités tunisiennes feignent de ne pas la voir venir.

La Tunisie a besoin de près de sept milliards de dollars pour boucler son Budget 2021, et elle a besoin du concours des bailleurs de fonds internationaux. Mais, le Fonds monétaire international (FMI) ne veut plus se laisser faire. Il veut appliquer sa loi. La délégation de la Banque mondiale, ayant passé une dizaine de jours en Tunisie fin mars, a rencontré tout le monde : président de la République, chef du gouvernement, président de l’Assemblée, centrales patronale et salariale, ainsi que Banque centrale et experts.

Elle a essayé de faire comprendre aux autorités tunisiennes qu’il n’est plus question de promettre des réformes et de dire, ensuite, que telle ou telle partie a freiné la réalisation. Il n’y a plus d’espace à l’hésitation, ni aux palabres inutiles. La conclusion de la Banque mondiale consiste à ce que le partenaire social (UGTT) signe avec le gouvernement le programme des réformes, afin que personne ne dise, plus tard, que l’autre partie l’a freiné. Et c’est ainsi qu’est né le document signé par le gouvernement et l’UGTT, concernant un plan conjoint de réformes.

Compensation 

Les bailleurs de fonds internationaux insistent sur le fait que la Tunisie réforme le système de compensation dans la délimitation des prix des aliments de base, comme la farine, la semoule et les pâtes, ainsi que l’huile de soja, le lait, voire même l’essence. L’Etat prend en charge près de 40% du prix du pain et des pâtes. Il subventionne l’électricité, les carburants et le transport public. Le volume global de la compensation s’élève à près de six milliards de dinars, soit près de 1,8 milliard d’euros.

Pourtant, ces deniers publics ne vont pas dans les poches des 15% les plus pauvres du pays et il faut, absolument, réformer cette structure, en procédant à des transferts directs de cash aux démunis. L’UGTT objecte à travers son porte-parole, Sami Tahri, qui assure que «le segment le plus bas de la classe moyenne s’appauvrit, lui-aussi, et aurait besoin de soutien, si jamais la compensation est levée». L’UGTT reconnaît toutefois que la compensation sert les intérêts des riches plus que des pauvres.

La Banque mondiale a accordé une enveloppe de 300 millions de dollars à la Tunisie, lors de la dernière visite de Farid Belhaj, afin d’aider les familles pauvres à faire face à la première étape de levée de la compensation. Mais les institutions financières internationales ne savent pas que la Tunisie traverse aussi une grave crise politique et que celui qui va déclencher l’élimination de la compensation va en payer les frais. La délégation de la Banque mondiale a compris que les Tunisiens se rejettent la responsabilité de la crise, pour des calculs politiques partisans. Sa délégation est rentrée déçue de ne pas s’être trouvée devant des Tunisiens unis pour sauver leur pays.

La Banque mondiale a néanmoins dit ses exigences et la signature de l’accord «gouvernement/UGTT» signifie que les autorités et l’organisation syndicale ont compris. Toute la question, c’est de faire passer ce message à la population, en pleine crise post-Covid.

Source : El Watan

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