Les manifestations interviennent alors que le pays est en crise politique à cause du conflit opposant le Président et le chef de l’Exécutif.
Quelques dizaines de jeunes ont bloqué, hier, des routes à Tataouine, dans le sud de la Tunisie, pour dénoncer les promesses non tenues du gouvernement, qui s’était engagé à fournir des emplois et des investissements, rapporte l’AFP.
En novembre 2020, le gouvernement de Hichem Mechichi a conclu un accord avec des responsables syndicaux et des membres d’une coordination, qui ont bloqué des semaines durant la production pétrolière pour réclamer des fonds pour cette région marginalisée. Trois mois après, rien ne s’est concrétisé, selon la coordination, qui a en conséquent relancé des protestations.
La veille, l’armée est intervenue pour empêcher une dizaine de membres de cette coordination d’accéder au site pétrolier d’Al Kamour, où ils ont menacé de fermer un pipeline, a indiqué la coordination sur sa page Facebook. Ce pipeline transportant la moitié de la production pétrolière de la Tunisie a été bloqué à plusieurs reprises, notamment en 2017, par des sit-in qui ont dégénéré en heurts avec les forces de sécurité.
Le taux de chômage à Tataouine dépasse les 30%, l’un des plus élevés dans le pays, et le taux de pauvreté atteint 17,8%. La crise sanitaire qui a fait disparaître des milliers d’emplois a entravé les petits boulots transfrontaliers faisant vivre de nombreuses familles. La Tunisie, qui dépend de bailleurs de fonds, n’a pas encore bouclé son budget 2021, et pourrait faire face à un nouveau recul du PIB en 2021, avec -9%, selon la Banque mondiale.
Impasse
Ces manifestations interviennent alors que le pays est en proie à une crise politique traduite par le conflit entre le président Kaïs Saied, un indépendant, qui a désigné en juillet le chef du gouvernement H. Mechichi, un technocrate. Le 16 janvier, ce dernier a procédé à un remaniement gouvernemental affectant 11 ministères, dont ceux de l’Intérieur, de la Justice et de la Santé.
Après un vote de confiance le 27 janvier en leur faveur, les nouveaux ministres devaient prêter serment au palais présidentiel avant de prendre leurs fonctions. Le 3 février, le Président a exprimé son opposition à l’entrée en fonction des nouveaux ministres. Il a reproché à H. Mechichi un processus inconstitutionnel et le choix de ministres sur lesquels pèsent des soupçons de corruption.
Selon l’organisation non gouvernementale (ONG) anticorruption I-Watch, le futur ministre de la Santé, Hédi Khairi, est soupçonné d’avoir utilisé ses réseaux pour entraver une enquête sur son demi-frère, accusé du meurtre d’une personne ayant pénétré chez lui par effraction en 2019.
Le futur ministre de l’Energie, Sofiene Ben Tounes, proche du chef de file de Qalb Tounes, le magnat des médias Nabil Karoui, est soupçonné d’être lié à un douteux contrat de lobbying pour promouvoir la candidature de N. Karoui à la présidentielle.
Pour sortir de cette impasse, H. Mechichi a récemment saisi la justice administrative, mais celle-ci a indiqué que son avis serait «consultatif». Reste la Cour constitutionnelle, prévue par la Constitution de 2014.
Mais, elle n’est toujours pas mise sur pied, les partis n’étant pas parvenus à s’accorder sur sa composition. Rien dans les textes n’oblige le gouvernement à obtenir l’approbation du Parlement pour un remaniement. En revanche, le remaniement doit être accompagné d’une délibération du Conseil des ministres, comme le stipule la Constitution, une procédure qui n’a pas été respectée, selon le président Saïed.