Trois questions sur le "bataillon sibérien", l'unité russe intégrée à l'armée ukrainienne

Kiev a récemment annoncé la création d'une nouvelle formation militaire composée de volontaires russes. Intégré aux forces armées ukrainiennes, ce "bataillon sibérien" est un assemblage d'éléments hétéroclites.

Ils sont venus en Ukraine pour combattre leurs concitoyens. Plusieurs dizaines de Russes opposés à Vladimir Poutine ont rejoint une nouvelle unité de l'armée ukrainienne baptisée le "bataillon sibérien", rapporte dans un article le média américain Bloomberg le 24 octobre.

L'information a été confirmée le lendemain par un responsable du renseignement militaire dans le média ukrainien Kyiv Post. Ce dernier précise que ce bataillon est incorporé au sein de la Légion internationale, l'unité des milliers d'étrangers ayant rejoint l'Ukraine. Au sein de cette formation, les volontaires sont affectés à des groupes dont les membres ont la même nationalité.

Alors que les combats se concentrent autour de la ville d'Avdiivka, nouveau point chaud du front, cette jeune unité des forces armées poursuit son entraînement militaire à l'extérieur de Kiev avant un futur déploiement. Composition, motivations des recrues… Franceinfo passe au crible ce "bataillon sibérien".

1 Qui sont les combattants qui composent ce bataillon ?

Selon l'AFP, le "bataillon sibérien" compte dans ses rangs une cinquantaine de recrues aux origines variées. L'unité est composée d'opposants politiques à Vladimir Poutine, à la fois des Russes caucasiens et des membres de groupes ethniques minoritaires, comme des Iakoutes et des Bouriates, qui vivent pour la plupart dans l'Extrême-Orient russe.

Un porte-parole de la Légion internationale précise à l'AFP que l'unité n'est pas ouverte aux prisonniers de guerre. Tous sont volontaires et sous contrat militaire avec les forces armées ukrainiennes. Avant de rejoindre l'Ukraine et le "bataillon sibérien", les futures recrues ont généralement transité par un pays tiers avant d'être enrôlées.

Interrogé par l'AFP, un ancien auxiliaire médical surnommé "Gretcha" ("sarrasin" en russe) explique ainsi avoir quitté la Russie en 2022. Après plusieurs séjours dans des pays sans visa pour les Russes, il a découvert à Varsovie (Pologne) une organisation dont le site internet recrutait pour le "bataillon sibérien", et pu s'engager.

2 Pourquoi des Russes ont-ils choisi de combattre pour Kiev ?

Les motivations sont diverses d'un volontaire à l'autre. Mais l'opposition à Vladimir Poutine et à son régime figure parmi les raisons invoquées pour justifier l'enrôlement des combattants dans cette unité. "Ce qu'il faut faire maintenant, c'est parvenir à la défaite de la Russie de Poutine", raconte à l'AFP un autre combattant surnommé "Chved" ("le Suédois" en français).

Certaines recrues, notamment celles issues des peuples autochtones, affirment vouloir défendre leur culture face à l'impérialisme russe. C'est le cas de Gennadiy, un Bouriate interrogé par l'agence de presse Reuters. "Depuis la Russie tsariste, lorsqu'ils nous ont colonisés, [les Russes] ont détruit notre culture, notre langue et nos traditions. C'est de la russification pure et simple", explique-t-il.

La mobilisation "partielle" décrétée par Moscou en septembre 2022 a davantage touché les groupes ethniques minoritaires, poussant de nombreux hommes à l'exil. "On ne se souvient pas d'une telle émigration massive de Bouriates. (…) La Bouriatie a recruté 2,5 à 3 fois plus de soldats par habitant que la moyenne russe", expliquait le 29 février sur X (ex-Twitter) la Fondation Bouriatie libre, une organisation non gouvernementale opposée à la guerre en Ukraine.

3 Est-ce que c'est la première fois que l'Ukraine intègre des Russes dans son armée ?

Le "bataillon sibérien" n'est pas l'unique unité rebelle russe à combattre les troupes du Kremlin aux côtés des Ukrainiens, mais il s'agit de la seule à être incorporée au sein de la Légion internationale, qui regroupe les volontaires étrangers.

Il existe d'autres formations déployées sur le front, comme le Corps des volontaires russes (RDK), qui a des liens avec l'extrême droite nationaliste, et la Légion Liberté de la Russie. Ces deux unités se sont distinguées depuis le printemps 2023 en menant plusieurs raids dans la région frontalière de Belgorod. Comme le précise le journal Le Monde, les deux groupes rebelles basés à Kiev œuvrent aussi au sein de l'armée ukrainienne.

"Les deux unités sont intégrées et font partie de la défense territoriale. Elles sont tenues de respecter les injonctions de l'état-major ukrainien, mais il arrive que ses leaders fassent preuve d'une certaine autonomie, comme ça a été le cas à Belgorod", explique à franceinfo le chercheur Adrien Nonjon, spécialiste des mouvements d'extrême droite et nationalistes en Ukraine. Selon lui, le "bataillon sibérien" se différencie des autres unités russes par sa coloration politique : "L'unité s'inscrit dans une logique décoloniale de combattre l'impérialisme russe. Pas uniquement celui qui s'exerce sur les marges extérieures du territoire de la Fédération [de Russie], mais aussi à l'intérieur".

Source: franceinfo

De la même section International