La journaliste du média d’investigation « Disclose », Ariane Lavrilleux, a été placée en garde à vue mardi, dans le cadre d’une enquête concernant ce qui est communément appelé les « Egypt papers », a annoncé l’organisation dans un communiqué de presse.
Une perquisition était également en cours, mardi depuis 6 heures du matin (heure locale, GMT+2), au domicile de la journaliste, en présence d’un juge d’instruction et de policiers de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure), est-il précisé.
Ces mesures interviennent « dans le cadre d'une enquête pour compromission du secret de la défense nationale et révélation d'information pouvant conduire à identifier un agent protégé, ouverte en juillet 2022 ».
Disclose dénonce un « nouvel épisode d'intimidation inadmissible à l'égard » de ses journalistes et visant à identifier les « sources ayant permis de révéler l’opération militaire Sirli, en Égypte ».
« En novembre 2021, Disclose s'appuyait sur plusieurs centaines de documents [confidentiel-défense] pour documenter une campagne d'exécutions arbitraires orchestrée par la dictature égyptienne du maréchal Al-Sissi, avec la complicité de l'État français », accuse le média indépendant, pour qui « de possibles crimes contre l’humanité » ont pu être commis.
Disclose a rapidement reçu le soutien de la SDJ (Société des journalistes) de Mediapart, qui dénonce, dans une publication en ligne « une atteinte intolérable au secret des sources ».
Pour rappel, en novembre 2021, Disclose assurait, documents à l’appui, que l’opération Sirli, qui aurait débuté le 13 février 2016 et supposée servir à la surveillance du désert occidental de l'Egypte, à la frontière avec la Libye à des fins antiterroristes aurait, en réalité, été détournée pour neutraliser ou détruire des convois de trafiquants et de contrebandiers grâce aux informations que collectaient et fournissaient les agents français sur le terrain.
Selon des documents disponibles sur le site de Disclose, l'armée française aurait contribué à au moins 19 attaques contre des civils en Égypte entre 2016 et 2018.
Malgré les nombreuses alertes des militaires français, précisément par une note datée du 6 janvier 2017 qui précise formellement que "la problématique terroriste n'a jamais été abordée" et une autre note du 23 novembre 2017, émanant cette fois de l'armée de l'air, qui s'inquiète de voir que les renseignements fournis par l'armée française servent en réalité à cibler des civils, l'opération Sirli a été maintenue.
Dans la foulée des révélations de Disclose, l’ancien président français, François Hollande a confirmé dans une interview accordée à France 2, avoir initié bien l’opération Sirli à la frontière égypto- libyenne mais précisait n’avoir « jamais reçu de quelconque information comme quoi elle avait été détournée ».
Si une plainte contre X a bien été déposée par plusieurs ONG pour des faits de « complicité de crimes contre l’humanité » et « torture » en Égypte devant le parquet national antiterroriste en septembre 2022, elle a été classée sans suites dès le mois de décembre de la même année.
Source: AA