Selon les ONG, les marches prodémocratie ont été marquées vendredi 26 mars par des dizaines d’arrestations à travers tout le pays.
Ils ne lâchent rien. Depuis le 22 février, les marches du mouvement prodémocratie du hirak en Algérie ont repris dans le pays. Le mouvement de contestation avait pourtant dû se mettre en veille en mars 2020 en raison de la crise du Covid-19. Mais ce vendredi 26 mars, ces marches pacifiques ont surtout été marquées par des dizaines d'arrestations à travers tout le pays, selon des organisations de défense des droits humains.
La Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH) a fait état de « dizaines d'interpellations dans plusieurs wilayas [préfectures] à Alger, Blida, Tiaret et Relizane ». La plupart des personnes arrêtées ont été relâchées en fin de journée, a-t-elle précisé. « La LADDH, tout en exprimant sa pleine solidarité avec le mouvement hirak, dénonce cette répression et réitère son appel à l'arrêt de la répression et de la diabolisation du hirak, et rappelle le respect des libertés publiques et des droits humains », a affirmé le vice-président de la Ligue, Saïd Salhi.
Des interpellations dans tout le pays
À Alger, le militant hirakiste Mohamed Tadjadit, un ex-détenu, et trois étudiants ont été arrêtés à la fin de la manifestation hebdomadaire qui a rassemblé des milliers de personnes dans le centre de la capitale, a indiqué le Comité national de libération des détenus (CNLD), une association de soutien aux prisonniers d'opinion.
« Le militant et poète Mohamed Tadjadit arrêté à la fin de la manifestation […] dans la rue Didouche Mourad à Alger centre, et embarqué dans une Toyota blanche, aucune nouvelle de lui », a tweeté le journaliste indépendant Khaled Drareni.
Par ailleurs, les forces de l'ordre ont dispersé, en faisant usage de spray de gaz liquide, les manifestants à Oran (Nord-Ouest) ainsi que dans la ville voisine de Mostaganem dès le début du défilé, a précisé à l'AFP un journaliste local sous le couvert de l'anonymat.
Des marches ont également eu lieu à Tizi Ouzou, Bouira et Béjaïa, villes de Kabylie (Nord-Est), ainsi qu'à Constantine et Annaba (Est), selon des images diffusées sur les réseaux sociaux. Les rassemblements sont en principe interdits en raison de la pandémie de Covid-19.
« La Caserne contre le Peuple »
Comme chaque vendredi depuis la reprise du hirak le 22 février, les protestataires – dont le nombre est difficile à évaluer en l'absence de chiffres officiels – ont lancé des slogans hostiles au pouvoir et à l'armée, le pilier du régime. Ils ont fustigé la décision du président Abdelmadjid Tebboune d'organiser des élections législatives anticipées le 12 juin pour tenter de répondre à la grave crise politique et socio-économique qui ébranle le pays le plus peuplé du Maghreb.
Illustration des difficultés quotidiennes des Algériens : une bouteille d'huile vide tenue par une canne à pêche, brandie par un hirakiste, en écho à la pénurie d'huile de table et la cherté de la sardine, deux produits alimentaires de base.
« Pas d'élections avec la Bande [au pouvoir] », a scandé le cortège dans les rues d'Alger. « L'Algérie est le seul pays au monde à vouloir organiser des élections sans peuple », a déploré un manifestant, Aziz Boucheban. « La Caserne, à travers sa façade civile, convoque le corps électoral officiel, et le peuple répond avec le vrai corps électoral dans la rue », a résumé ce commerçant de 33 ans.
Élections aux forceps
Face à la contestation populaire qui persiste, malgré des divisions, le régime apparaît déterminé à appliquer sa « feuille de route », à savoir le recours à un 3e scrutin depuis la fin 2019, en restant sourd aux aspirations du hirak et alternant gestes d'apaisement et répression.
La présidentielle de décembre 2019 et le référendum constitutionnel de novembre 2020 ont été sanctionnés par des taux d'abstention record.
Né en février 2019 du rejet massif d'un 5e mandat du président Abdelaziz Bouteflika, impotent et reclus, le hirak réclame un changement radical du « système » politique en place depuis l'indépendance du pays en 1962, synonyme à ses yeux de corruption, de népotisme et d'autoritarisme.
« Le peuple algérien a décidé qu'il veut une gouvernance civile et non militaire », a affirmé à l'AFP Kamel, un fonctionnaire de 59 ans. « Nous patientons depuis 1962, et c'est comme si nous n'avions pas vécu l'indépendance. C'est maintenant notre indépendance si Dieu le veut », a-t-il ajouté.
Le mouvement populaire inédit en Algérie est pacifique, pluriel – des laïcs aux islamistes – et sans véritable leadership ni structure politique à ce jour. Ce qui lui vaut des critiques pour son manque d'unité et de propositions politiques.
Source : AFP