Plus de 7% des Marocains ont déjà reçu deux doses de vaccin anti-Covid19, soit le double de la proportion en France, où la campagne a pourtant démarré un mois plus tôt.
Le Maroc, avec une population estimée à 36 millions d’habitants, a lancé, le 29 janvier, une campagne volontariste anti-Covid19, dont l’objectif est d’atteindre au plus tôt l’immunité collective en vaccinant les 25 millions d’adultes. Au 22 mars, près de 4,3 millions de Marocains ont été vaccinés au moins une fois et 2,6 millions ont reçu les deux doses du vaccin, soit une proportion respectivement de 11,8% et de 7,2%, à comparer à 9,5% et 3,7% en France à la même date. La campagne, visant initialement les plus de 75 ans et les professionnels de santé, s’est rapidement élargie. Le Maroc se trouve ainsi largement en avance sur les autres pays africains, même s’il fait aujourd’hui face au défi généralisé de l’approvisionnement en vaccins, du fait des défaillances de la Chine et, plus récemment, de l’Inde.
DES RESTRICTIONS TRES SEVERES
Depuis plus d’une année, le Maroc vit à l’heure de « l’état d’urgence sanitaire », qui confère des pouvoirs exceptionnels au gouvernement pour faire face à la pandémie. Dès le mois de mars 2020, les écoles, lycées et universités ont été fermés, pour ne rouvrir qu’à la rentrée suivante. Cette fermeture a bientôt été suivie de celle des cafés, restaurants, cinémas et salles de spectacle. Le port du masque a été rendu obligatoire dès avril 2020 dans l’espace public, sur fond de confinement très strict. Un couvre-feu a été imposé de 19h à 5h durant le mois de jeûne du ramadan, soit de la fin avril à la fin mai, afin de limiter les déplacements durant cette période propice aux retrouvailles familiales. La crise sanitaire a évidemment frappé de plein fouet le secteur du tourisme, mais aussi le reste de l’économie, avec une poussée du chômage de 29% entre 2019 et 2020.
Ces mesures n’ont pas empêché le Maroc, tout comme ses voisins, de subir à l’automne dernier la deuxième vague de la pandémie. Avec un peu moins de 9000 décès du coronavirus, le Maroc a eu, en proportion, trois fois plus de morts de la pandémie que l’Algérie, mais trois fois moins que la Tunisie. Le choix a été fait d’une campagne de vaccination massive, dont le lancement, prévu en novembre, a été repoussé de deux mois du fait des délais de livraison du vaccin chinois Sinopharm. Rabat avait pourtant signé avec Pékin, dès août 2020, un accord l’associant à la phase avancée des tests de Sinopharm. Il a fallu attendre fin janvier pour que la vaccination débute véritablement, accompagnée d’une campagne de promotion dont le slogan-phare est « Je me protège, je protège mon pays ».
LE DEFI DE L’APPROVISIONNEMENT EN VACCINS
Le Maroc a passé commande de 65 millions de vaccins, 40 à Sinopharm et 25 AstraZeneca, pour tenir son pari de l’immunité collective. Mais les 7 millions de doses reçues d’AstraZeneca sont pratiquement épuisées, tandis que les délais d’approvisionnement s’aggravent en provenance d’Inde. C’est en effet le Serum Institute of India (SII) qui est le premier producteur des vaccins AstraZeneca préparés pour les pays à revenu faible et intermédiaire. A Rabat, on soupçonne le SII d’accorder de fait la priorité au marché indien, tout en attribuant ses retards à l’exportation à des restrictions américaines. Le partenariat noué en amont par le Maroc avec Sinopharm n’a pas non plus été concluant, puisque, au lieu des 10 millions de doses promises pour décembre dernier, seules 1,5 million avaient été livrées en mars. 2 millions de doses supplémentaires de Sinopharm sont attendues très prochainement au Maroc, afin d’éviter le ralentissement, voire la suspension de la campagne de vaccination, au moment même où elle doit toucher les 45-60 ans.
L’urgence d’une telle échéance a convaincu les autorités marocaines de se tourner vers Moscou, avec une livraison annoncée prochainement de plus de 2 millions de doses de Spoutnik-V. Rabat a aussi ouvert des négociations avec le laboratoire américain Johnson & Johnson, tout en espérant récupérer jusqu’à 4 millions de doses d’AstraZeneca, par suite des décisions européennes défavorables à ce vaccin. Du côté de la Chine, qui avait profité de la pandémie pour mener une virulente campagne anti-occidentale dans toute la région, les aléas de la distribution de Sinopharm au Maroc constituent un sérieux revers. Il n’en sera que plus intéressant de voir si la Russie relève mieux ce nouveau défi au sud de la Méditerranée. En outre, la suspension désormais officielle des livraisons de vaccins par l’Inde rappelle que la coopération Sud-Sud n’est pas forcément plus apaisée que les relations entre pays plus ou moins développés. Quant au Maroc, l’ambition de son programme de vaccination anti-Covid19 l’amène à rencontrer avec l’industrie pharmaceutique des problèmes désormais familiers pour les gouvernements et les opinions d’Europe occidentale.
Source : Le Monde