Au Sri Lanka, la démission du président en fuite acceptée par le Parlement

En fuite à Singapour, Gotabaya Rajapaksa avait adressé un courriel de démission au Parlement. Il est le premier chef de l’Etat à démissionner depuis que le Sri Lanka a opté pour un régime présidentiel, en 1978.

Le président du Parlement du Sri Lanka, Mahinda Yapa Abeywardana, a annoncé vendredi 15 juillet qu’il avait accepté la démission du président Gotabaya Rajapaksa, au surlendemain de la fuite de celui-ci, en exil après l’invasion de sa résidence par des manifestants, lesquels ont mis fin à l’occupation des bâtiments publics dans la capitale, Colombo. « Gotabaya a légalement démissionné », a déclaré aux journalistes M. Abeywardana, au lendemain de l’envoi par courriel de la lettre de démission.

M. Rajapaksa a fui samedi sa résidence, prise d’assaut par des manifestants lui reprochant sa mauvaise gestion, au moment où le Sri Lanka traverse la plus grave crise économique de son histoire. Il a réussi à sortir de son pays mercredi pour se rendre aux Maldives, où il a pris jeudi un avion pour Singapour, d’où il a envoyé sa lettre de démission.

Dans la capitale, Colombo, placée sous couvre-feu, une foule peu nombreuse mais jubilatoire, certains brandissant le drapeau national, a dansé et chanté pour exprimer sa joie devant le secrétariat de la présidence lorsque la nouvelle de la démission a été annoncée.

« Nous continuerons notre lutte »

« C’est une victoire monumentale », s’est écrié Harinda Fonseka, l’un des manifestants. « Mais ce n’est qu’un premier pas ». En vertu de la Constitution sri-lankaise, le premier ministre, Ranil Wickremesinghe, dont le départ est également réclamé par les contestataires, deviendrait automatiquement président par intérim jusqu’à ce que le Parlement désigne un successeur à M. Rajapaksa.

Des témoins ont vu des dizaines de personnes quitter jeudi les bureaux du chef du gouvernement et les forces de l’ordre y pénétrer. Des véhicules blindés de transport de troupes patrouillaient dans certains quartiers. « Nous nous retirons pacifiquement du palais présidentiel, du secrétariat présidentiel et des bureaux du premier ministre avec effet immédiat, mais nous continuerons notre lutte », avait déclaré un peu plus tôt une porte-parole des manifestants.

Quelques heures avant l’annonce du retrait, la police avait repoussé ceux qui tentaient de pénétrer dans le Parlement. La foule avait envahi mercredi les bureaux du premier ministre, après avoir fait de même samedi avec le palais du chef de l’Etat. Près de 85 personnes ont été blessées dans les heurts, et un homme est mort asphyxié par du gaz lacrymogène. Des centaines de milliers de personnes ont visité le palais présidentiel depuis son ouverture au public après la fuite de M. Rajapaksa, samedi. Jeudi après-midi, les portes du bâtiment étaient fermées et gardées par des hommes en armes. 

L’armée et la police ont reçu de nouveaux ordres jeudi pour réprimer fermement toute violence et ont averti les fauteurs de troubles qu’ils étaient « légitimement habilités à exercer leur force ». M. Rajapaksa a rejoint Singapour avec sa femme, Ioma, et leurs deux gardes du corps, à bord d’un appareil de la compagnie aérienne Saudia.

Selon la presse locale, il avait dans un premier temps exigé un jet privé, refusant de prendre l’avion avec d’autres passagers à cause de l’accueil hostile qu’il avait reçu à son arrivée aux Maldives mercredi.

Une arrivée mouvementée à Malé

Il avait été conspué et insulté à sa sortie de l’aéroport, et une manifestation contre lui avait été organisée dans la capitale, Malé. En tant que président, M. Rajapaksa ne pouvait pas légalement être arrêté. Il semble qu’il ait voulu se rendre à l’étranger avant de démissionner pour justement éviter une éventuelle arrestation. 

L’ancien président des Maldives Mohamed Nasheed, qui aurait joué un rôle en coulisses pour l’aider à s’enfuir, a déclaré qu’il craignait d’être tué s’il restait au Sri Lanka.

Selon des sources diplomatiques, les Etats-Unis ont refusé un visa à M. Rajapaksa parce qu’il avait renoncé à sa citoyenneté américaine en 2019 avant d’être candidat à la présidentielle.

Singapour ne sera pas sa destination finale, la cité-Etat ayant précisé que M. Rajapaksa y était en visite privée et qu’« il n’a[vait] pas demandé l’asile ». Des sources proches de la sécurité sri-lankaise pensent qu’il cherchera à rester quelque temps à Singapour avant de rejoindre les Emirats arabes unis. « Il a ruiné notre pays avec la famille Rajapaksa, donc nous ne lui faisons pas du tout confiance. Nous avons besoin d’un nouveau gouvernement », s’est exclamé Gihan Martyn, un commerçant de 49 ans, qui a qualifié l’ex-président de « lâche ».

Source : Le Monde avec AFP

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