L’Ouzbékistan reconnaît 18 morts lors de manifestations antigouvernementales la semaine dernière

Le parquet ouzbek a fait état, lundi 4 juillet, de plusieurs morts lors des troubles ayant opposé en fin de semaine dernière manifestants antigouvernementaux et forces de sécurité dans le nord-ouest de l’Ouzbékistan, où aucune opposition n’est tolérée.

« Dix-huit personnes sont mortes de leurs blessures lors des troubles de masse à Noukous », a annoncé, selon l’agence de presse RIA Novosti, Abror Mamatov, représentant du parquet, lors d’un briefing consacré à ces événements. La garde nationale ouzbèke a de son côté fait état de 243 blessés. 

Ce nouvel épisode de violences s’ajoute à la longue liste de heurts, d’émeutes, de répressions et d’affrontements qui secouent régulièrement l’Asie centrale, région composée de cinq ex-républiques soviétiques sur lesquelles la Russie exerce une grande influence.

Le président de l’Ouzbékistan, Shavkat Mirziyoyev, avait reconnu dimanche des « victimes », parmi les civils et la police, à la suite de manifestations vendredi et samedi pour dénoncer un projet de réforme constitutionnelle réduisant l’autonomie du Karakalpakistan, région pauvre du nord-ouest ouzbek, dont Noukous est la capitale.

Le représentant du parquet a annoncé l’ouverture d’une enquête pour « attaque contre l’ordre constitutionnel du pays ». Le déroulé des événements reste très flou, les autorités ayant coupé l’essentiel des moyens de communication durant les affrontements. Quelques vidéos ont filtré sur Internet, montrant des personnes blessées et inconscientes.

Etat d’urgence

Samedi, un état d’urgence d’un mois a été décrété dans la région. Parallèlement, le président ouzbek a promis de retirer les amendements constitutionnels décriés. M. Mirziyoyev a aussi accusé les organisateurs des manifestations de « se cacher derrière des slogans » politiques pour chercher à « prendre le contrôle des bâtiments officiels du gouvernement local » et pour s’emparer d’armes. 

Depuis son indépendance à la chute de l’URSS, l’Ouzbékistan n’a jamais laissé émerger d’opposition. Arrivé au pouvoir en 2016 à la mort de son prédécesseur, l’impitoyable Islam Karimov, Shavkat Mirziyoyev, jusqu’alors premier ministre, a mené d’importantes réformes économiques et sociales, promettant aussi de timides mesures de libéralisation politique.

Réélu l’année dernière, il a plus récemment donné un tour de vis. Le chef de l’Etat veut ainsi réformer la Constitution pour lui permettre de rester au pouvoir plus longtemps. Les troubles de Noukous sont la crise interne la plus grave à laquelle le président Mirziyoyev a été confronté jusqu’ici. En 2005, Islam Karimov avait fait réprimer dans le sang des manifestations à Andijan. Des centaines de personnes y sont mortes.

Vaste mouvement de contestation

L’Ouzbékistan, qui a une frontière commune avec l’Afghanistan, est de loin le plus peuplé des pays de l’Asie centrale ex-soviétique avec quelque 35 millions d’habitants. En janvier, c’est un autre Etat autoritaire de la région, le Kazakhstan, qui a écrasé un vaste mouvement de contestation, faisant plus de 230 morts. Ces événements avaient constitué un choc, ce pays ayant été jusque alors considéré comme le plus stable et prospère de la région. 

Les autres pays voisins ont aussi connu des périodes mouvementées dans le passé récent, le Tadjikistan et le Kirghizistan s’affrontant, par exemple, régulièrement à leur frontière commune, du fait notamment de conflits sur l’accès aux terres et à l’eau. Les autorités tadjikes viennent aussi de mener une opération présentée comme « antiterroriste » pour neutraliser d’influentes figures locales dans la région autonome de Gorno-Badakhchan (BGAO), une vaste zone montagneuse du massif du Pamir.

Le Kirghizistan a, lui, connu depuis 2005 trois révolutions (2005, 2010, 2020), ainsi que de graves violences ethniques visant la minorité ouzbèke en 2010 dans le sud du pays. La Russie soutient les pouvoirs en place dans ces pays qu’elle considère comme appartenant à son pré carré. L’Asie centrale, au carrefour entre l’Asie du Sud, la Chine, l’Europe et la Russie, dispose de vastes ressources naturelles (hydrocarbures, minerais) suscitant les convoitises russes, chinoises et occidentales.

Source : Le Monde avec AFP

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