Présidentielle en Colombie : un second tour entre l’opposant de gauche Gustavo Petro et l’indépendant Rodolfo Hernandez

Le candidat de la coalition Pacte historique, Gustavo Petro, a récolté 40 % des voix au premier tour, contre 28 % pour Rodolfo Hernandez. M. Petro pourrait devenir le premier président de gauche du pays à l’issue du scrutin, le 19 juin.

L’opposant de gauche Gustavo Petro est arrivé largement en tête, dimanche 29 mai, du premier tour de l’élection présidentielle en Colombie. Il affrontera, au second tour, un candidat indépendant, Rodolfo Hernandez, selon les résultats officiels provisoires publiés dans la soirée.

M. Petro cumule 40,32 % des voix, devant M. Hernandez (28,20 %), indiquent ces résultats donnés par le Registre national, en charge de l’organisation du scrutin, après le dépouillement de plus de 99 % des bulletins. Le candidat conservateur Federico Gutierrez est en troisième position avec 23,87 %, un résultat surprise qui marque une défaite inédite de la droite traditionnelle colombienne.

Pour la première fois de son histoire, la Colombie pourrait élire un président de gauche lors de l’élection présidentielle, dont le second tour aura lieu le 19 juin. A la tête d’une coalition de partis progressistes, Pacte historique, le candidat Gustavo Petro, 62 ans, arrivait largement premier dans tous les sondages depuis des mois. 

De l’avis de tous les observateurs, le sénateur Petro, un ex-guérillero converti à la social-démocratie, économiste et ancien maire de Bogota, a su exploiter la soif de changement manifesté par les Colombiens face aux inégalités et à la corruption, un besoin dont il a fait son emblème avec son slogan « Pour la vie ».

Séisme politique

Les quatre années de mandat du président conservateur sortant Ivan Duque, qui ne pouvait se représenter, n’ont vu aucune réforme de fond. Elles ont été marquées par la pandémie, une forte récession, des manifestations antigouvernementales massives dans les villes et une aggravation de la violence des groupes armés dans les campagnes.

« Il n’y a que deux options : laisser les choses telles qu’elles sont, (…) ce qui signifie plus de corruption, de violence, de faim. Ou changer la Colombie et la conduire vers la paix, la prospérité et la démocratie », a déclaré M. Petro, dimanche, après avoir voté à Bogota. 

Son accession à la magistrature suprême serait un séisme politique dans un pays où les conservateurs monopolisent le pouvoir depuis des décennies. Des dizaines de journalistes attendaient dimanche soir les premières déclarations du vainqueur de ce premier tour à son QG de campagne dans la capitale. Autour d’eux, les partisans de la coalition de gauche célébraient par des applaudissements chaque décompte confirmant l’avancée de leur champion.

C’est la troisième fois que M. Petro participe à une présidentielle. Cette fois-ci, il a comme colistière pour la vice-présidence une Afro-Colombienne, Francia Marquez. L’ascension au sommet de l’Etat de cette charismatique activiste au discours féministe et antiraciste marquerait également un tournant dans la politique colombienne, traditionnellement dominée par les mêmes élites.

Face au « Trump colombien »

Comme le laissaient percevoir certains sondages en fin de campagne, le millionnaire Rodolfo Hernandez, 77 ans, est, lui, arrivé en deuxième position. L’ex-maire de la ville de Bucaramanga (nord), homme d’affaires aux déclarations souvent outrancières ou excentriques, est surnommé par la presse locale le « Trump colombien ». 

Alors que M. Gutierrez a été considéré tout le long de la campagne comme le challenger de Petro, ces résultats surprise marquent la déroute historique de la vieille droite colombienne, à l’image de son mentor, l’ex-président Alvaro Uribe, aujourd’hui englué dans les démêlés judiciaires.

« Aujourd’hui, le pays a gagné parce qu’il ne veut pas continuer un jour de plus avec les mêmes personnes qui nous ont amenées à la situation douloureuse que nous connaissons », a commenté en soirée M. Hernandez depuis son fief de Bucaramanga.

« Nous savons désormais qu’il existe une volonté ferme des citoyens de mettre fin à la corruption en tant que système de gouvernement », s’est-il félicité, jugeant que « les prochains jours seront décisifs pour déterminer l’avenir du pays ». « Je compte sur vous pour gagner au second tour et ainsi pouvoir concrétiser cette grande voie que vous avez ouverte aujourd’hui », a-t-il conclu.

Faible participation

« Il y a quinze jours, personne n’aurait pu imaginer qu’un tiktokero [fan de TikTok] serait la force de ce premier tour » et qu’il pourrait devenir « le pire cauchemar de Petro », commentait en soirée le média en ligne Cambio, résumant la surprise de la presse locale. 

« Cet ingénieur presque octogénaire et grossier est sorti de nulle part, a commencé à monter dans les sondages et a réussi, sans sortir de chez lui et à la faveur d’une campagne éclair sur les médias sociaux, à rencontrer les aspirations d’une partie de la population et à devenir le seul candidat capable de battre Petro en tête-à-tête », s’est étonné Cambio.

La participation s’est élevée à 54,8 % et le scrutin s’est déroulé normalement, selon les autorités. Une pléthore d’observateurs internationaux, notamment de l’Union européenne et de l’Organisation des Etats américains, ont assisté au scrutin, et près de 300 000 policiers et militaires avaient été déployés sur tout le territoire, en proie à des violences croissantes des groupes armés ces derniers mois. Le ministre de l’intérieur Daniel Palacios a parlé d’une « absolue tranquillité, sans altération majeure sur l’ordre public », malgré près de 600 irrégularités signalées.

Source : Le Monde avec AFP

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