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- Le 22 Novembre 2024
Au cours des 5 années de mandat du président français Emmanuel Macron depuis 2017, la traditionnelle rivalité droite-gauche en politique a été remplacée par l'axe droite-extrême droite.
Depuis les années 1950, deux ailes politiques, la droite et la gauche, gouvernent la France avec un penchant pour des gouvernements plus à droite, sauf sous François Mitterrand et François Hollande.
Lors de la dernière élection présidentielle tenue dans le pays en 2017, Macron a remporté un grand succès et a causé une défaite historique aux partis traditionnels de droite et de gauche. Après cela, l'influence du Parti socialiste (PS), de centre-gauche, a sérieusement diminué dans l'arène politique.
D'autre part, à la suite de la politique mise en œuvre par Macron après son accession à la présidence, la droite, en particulier l'extrême droite, se sont vus renforcés.
Macron, dont la popularité a chuté en raison des manifestations de gilets jaunes, novembre 2018, des problèmes économiques, des grèves et des actions contre la réforme des retraites, s'est également tourné vers ces politiques afin de réconforter son électorat pour l'élection présidentielle de 2022, observant qu’en étant contre l’Islam on s’attire les électeurs de droite et d'extrême droite.
Macron a reconnu hier qu'il n'avait pas réussi à endiguer la montée de l'extrême droite pendant ses 5 années passées à la tête du pays.
- "(Macron) a changé de politique pour pouvoir diriger le pays"
Le Professeur Raphaël Liogier de l'Université Science Po d’Aix-en-Provence, connu pour ses travaux dans le domaine de la sociologie en France, a assuré, dans un entretien accordé au correspondant de l’Agence Anadolu (AA), que la caractéristique la plus importante du quinquennat de Macron est son programme économique libéral.
Cependant, Liogier a fait remarquer que Macron n'était pas un libéral sur les questions religieuses, et a observé que "L'islam et l'immigration étaient des problèmes pour un grand nombre de personnes dans son gouvernement quand il était au pouvoir. (L'islam et l'immigration) ont été un problème pour tant de gens que (Macron) a été obligé d’infléchir sa politique pour pouvoir diriger le pays. Macron a également infléchi sa politique afin d'être réélu. (L'islam et l'immigration) sont devenus très importants pour la popularité de Macron. C'est le plus grand changement du mandat de 5 ans de Macron en tant que président", a-t-il expliqué.
"C'est un processus qui a commencé avec (l'ancien président) Jacques Chirac", a poursuivi Liogier, à propos du passage dans le paysage politique du pays d'une rivalité droite-gauche à un axe droite-extrême droite. "Il s'est renforcé avec Emmanuel Macron (axe droite-extrême droite). C'est devenu la règle. C'est la période où il y a eu le début du glissement populiste dans toute l'Europe, en particulier en Europe de l'Ouest et en France", a-t-il fait remarquer.
Pour le Professeur Liogier, dans ce contexte, alors que la laïcité doit être neutre vis-à-vis de toutes les religions, la laïcité n'est plus considérée comme un principe juridique, elle est utilisée comme une arme contre l'Islam, l'immigration et les minorités.
La candidate d'extrême droite à la présidentielle Marine Le Pen a un programme nationaliste, vise à préserver le "vrai peuple français" et "son identité", a insisté Liogier, rappelant que:
"J'appelle (Le Pen) un populiste car elle prétend représenter le vrai peuple. Lorsque vous représentez les vrais peuples, il faut désigner les faux peuples. Ceux qui représentent les vraies peuples français doivent identifier les faux peuples, et ce sont les musulmans, les enfants d’immigrés. En revanche, Macron était libéral économiquement et politiquement. Macron ne défendait pas le "vrai peuple" et n'était pas un socialiste nationaliste, mais a changé sa politique en socialiste nationaliste afin d'être réélu. Macron avait besoin de se glisser quelque part, il est face à Marine Le Pen. Marine Le Pen passera très probablement au second tour de l'élection."
Soulignant que le populisme est devenu l'une des caractéristiques de la politique dans le pays, Liogier a déclaré: "L'interdiction de l'immigration est connue comme une mesure de droite. Ce n'est plus une mesure de la droite ou de la gauche. (L'immigration) est devenue la peur du "vrai peuple". Macron s'est donc tourné vers le populisme pour en faire profiter le populisme.", a-t-il souligné.
Liogier a indiqué que les populistes sont au pouvoir en Hongrie et qu'il existe également un grand pouvoir populiste en Allemagne.
- "Le problème des sociétés, c'est qu'elles ne croient plus en la démocratie"
Exprimant que la rhétorique et les politiques populistes se sont manifestées en France, en Autriche et presque partout en Europe, Liogier a estimé que le populisme se renforcerait en Europe.
"Le problème avec les sociétés, c'est qu'elles ne croient plus en la démocratie", a affirmé Liogier. "Pour moi, la démocratie est censée être une valeur morale. Même aux États-Unis, les Américains ne croient plus en leur propre constitution.", a-t-il martelé.
"J'espère que la politique sera remodelée en France autour de la rivalité droite-gauche. Cette politique doit être construite sur des projets économiques, sociaux et culturels, et non sur l'exclusion des autres, des immigrés et des musulmans", a-t-il appelé de ses vœux avant d’assurer que la démocratie est le seul moyen de sortir de la "maladie" populiste.
Pour le Professeur Liogier, le "succès" d’Eric Zemmour à la présidentielle est dû au fait qu'il est considéré comme "sincère" aux yeux de l'électorat.
Rappelant que Donald Trump, l'ancien président des États-Unis, a été élu de cette manière, Liogier a déclaré que les électeurs prennent désormais en compte non seulement la rhétorique et le contenu des discours, mais aussi la sincérité.
"Zemmour ne pense qu'à l'Islam, les immigrés, les musulmans et les femmes en hijab", a-t-il noté.
Assurant qu’avant l'élection présidentielle du 10 avril, alors que les problèmes les plus importants des Français sont la réduction du pouvoir d'achat, l'économie et le coût de la vie, on parle de l'islam et des musulmans.
"Soit le populisme nous vaincra, soit la société mettra fin au populisme", a-t-il conclu.
Source : AA