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Le Mouvement de défense de la démocratie (M2D), créé après l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, affirme « sa détermination à poursuivre la lutte démocratique et pacifique ».
Le mouvement de contestation derrière l’opposant sénégalais Ousmane Sonko a lancé un nouvel appel à manifester samedi 13 mars, déterminé à profiter du nouveau rapport de forces instauré selon son chef de file avec le président Macky Sall après plusieurs jours de troubles.
Même si les blindés de l’armée restaient positionnés au quartier du Plateau, centre du pouvoir, Dakar offrait mardi 9 mars un semblant de retour à la normalité, après des violences qui ont fait au moins cinq morts – onze selon le collectif de contestation. La journée de lundi, redoutée, a produit certaines des conditions d’une décrispation dans un pays dont la réputation de rare îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest a été malmenée.
Ousmane Sonko, dont l’arrestation a mis le feu aux poudres le 3 mars, a certes été inculpé dans une affaire de viols présumés, mais a été remis en liberté sous contrôle judiciaire. Et le président est sorti de son silence pour appeler à « l’apaisement ».
« Je pense que ça va se calmer parce que Sonko a été relâché. Il avait été arrêté de manière injuste. Les boutiques et supermarchés ont rouvert, ça rassure », disait Grace Baramoto, femme au foyer de 37 ans, restée deux jours à la maison parce qu’elle « avait peur ».
Le Mouvement de défense de la démocratie (M2D), créé après l’arrestation de M. Sonko et comprenant son parti, des partis d’opposition et des organisations contestataires, a suspendu mardi matin l’appel à manifester le jour même et mercredi. Il a entendu les appels en ce sens, a-t-il dit plus tard, à commencer par ceux des chefs religieux à l’influence considérable.
Mais il a affirmé dans un communiqué lu à la presse « sa détermination à poursuivre la lutte démocratique et pacifique ». Il a appelé les Sénégalais à manifester samedi à Dakar et dans le pays de manière « pacifique » pour la libération des prisonniers qu’il dit politiques et qui sont plus d’une centaine dans le pays, selon M. Sonko.
Le M2D a aussi appelé à une journée de deuil national la veille, vendredi, en hommage aux personnes tuées dans les troubles, et invité les Sénégalais à s’habiller en blanc et à accrocher des tissus blancs à la façade de leur maison ou à leur voiture.
M. Sonko, troisième de la présidentielle de 2019 et pressenti comme l’un des principaux concurrents de celle de 2024, a été arrêté le 3 mars, officiellement pour trouble à l’ordre public. Il est aussi visé par la plainte pour viols déposée par une employée d’un salon de beauté dans lequel il allait se faire masser pour, dit-il, soulager ses maux de dos. Il crie au complot ourdi par le président pour l’écarter de la présidentielle, ce que Macky Sall a réfuté.
Loin de faire profil bas après sa sortie de garde à vue, M. Sonko a continué à défier le pouvoir et formulé une série d’exigences, parmi lesquelles celle que M. Sall déclare « publiquement et sans ambiguïté » qu’il ne briguera pas un troisième mandat en 2024. M. Sall entretient le flou sur ses intentions. « Nous pensons que nous devons aujourd’hui imposer un agenda à Macky Sall parce que le rapport de forces nous le permet », a dit M. Sonko.
Après le ralliement au pouvoir d’Idrissa Seck, deuxième de la présidentielle de 2019, et la mise à l’écart de Karim Wade et Khalifa Sall, condamnés pour des malversations financières, M. Sonko est devenu de fait le principal opposant.
Des analystes mettent en garde contre le délai lointain d’ici à la présidentielle de 2024 et estiment que la contestation actuelle ne permet pas seule de mesurer l’ampleur du soutien à M. Sonko. Dicter son agenda au président, c’est beaucoup s’avancer, commente Maurice Soudieck Dione, universitaire en sciences politiques.
La conjugaison des épreuves socio-économiques, aggravées par le Covid-19, et des pratiques autoritaires d’un président qui a perpétué celles de ses prédécesseurs, a provoqué une crise exceptionnelle à laquelle l’arrestation de M. Sonko a servi de déclencheur, précise-t-il.
« Pendant longtemps, on a laissé le président dérouler. Certains pensaient même le peuple sénégalais amorphe », argumente-t-il. L’un des enseignements de la crise, c’est que « si le président a bien compris le message, les pratiques autoritaires doivent cesser ».
Lundi soir, le président Macky Sall a parlé de « vivre ensemble » et de « main tendue ». « Je comprends vos inquiétudes et vos préoccupations », a-t-il dit aux jeunes. Les moins de 20 ans représentent plus de la moitié de la population et ont constitué l’immense majorité des manifestants.
Il a annoncé un allègement du couvre-feu dans les régions de Dakar et de Thiès – désormais de minuit à 5 heures du matin – qui affecte durement ceux qui travaillent dans l’économie informelle et a promis de réorienter des moyens financiers en direction des jeunes.
« Tous les jours je me lève, je dépose des CV partout et je ne trouve rien, se désole Adama Kane, 27 ans, fraîchement diplômé en droit. Ils nous forment, mais il n’y a aucun suivi : “Tiens, voici ton diplôme. Maintenant, démerde-toi”. Si tu ne connais personne, c’est impossible de trouver un emploi. »
Source : Le Monde avec AFP