Elu à Washington, un détenu fait de la politique depuis sa cellule

quelques kilomètres des ors de la Maison Blanche, un élu de Washington dispose lui aussi de son bureau, quoique pas exactement ovale: au nom de sa circonscription, Joel Caston officie depuis sa cellule de prison.

Incarcéré pour un meurtre qu'il a commis quand il était adolescent, cet homme de 45 ans est devenu cet été le premier détenu de la capitale américaine à décrocher un mandat d'élu. 

Tous les matins avant l'aube, Joel Caston se réveille pour réviser, faire un peu de sport, et passer un coup de fil à sa mère, celle qu'il appelle sa "reine". Puis, comme n'importe quel élu, il passe sa journée à tenter de résoudre les problèmes de sa circonscription -- dont sa prison fait partie.

En tant qu'élu de son conseil de quartier, Joel Caston n'est pas exactement membre du panthéon politique qu'est Washington -- mais il se targue d'avoir une influence concrète dans le quotidien de tout un chacun.

"Je parle au nom de toutes les personnes incarcérées sur la planète", assure-t-il à l'AFP dans une interview donnée depuis son bureau de fortune dans sa cellule.

L'homme à la chemise rose plaide pour que les prisonniers se positionnent comme des atouts plutôt que des handicaps pour leur communauté.

Joel Caston, qui a grandi à Washington, a écopé d'une peine de prison à vie pour le meurtre il y a 27 ans d'un homme de 18 ans dans le parking d'un restaurant chinois, dans un quartier pauvre de la capitale. 

Depuis, assure-t-il, un régime strict constitué de lectures de la Bible, de sessions de yoga et de cours d'économie lui ont permis de reprendre sa vie en main.

Le détenu parle désormais cinq langues, dont l'arabe et le chinois et a écrit une série de livres sur la finance.

L'homme dit s'inspirer de l'autobiographie de Nelson Mandela, qui comme lui a passé 27 ans en prison.

"J'ai commencé à prendre pour modèle le comportement de Mandela. Il n'a jamais craqué face à son environnement", confie Caston, qui a déjà purgé sa peine dans 16 prisons différentes avant de revenir à Washington en 2016.

Deux ans plus tard, celui que certains surnomment "Obama" en référence à ses qualités de leadership, a fondé un système de parrainage, jumelant des jeunes nouvellement incarcérés avec des détenus plus âgés.

Avec son élection cet été, Joel Caston a ajouté une nouvelle corde à son arc. Il se rappelle de ce matin quand des gardes l'ont sorti de son lit pour lui annoncer la bonne nouvelle.

"Ils étaient encore plus extatiques que moi", sourit-il.

Pas de porte-à-porte

Le parcours de M. Caston jusqu'à ses fonctions a débuté en juillet 2020, lorsque des élus ont voté pour rendre légal le droit de vote en prison.

Avec des membres du conseil municipal de Washington, il a lancé un podcast encourageant ses pairs à s'engager dans le processus démocratique.

Il a fait campagne via YouTube et un manifeste en ligne diffusé auprès des électeurs à l'extérieur de la prison, notamment les résidents d'un refuge pour femmes sans abri et d'un immeuble voisin.

Le plus gros défi que Joel Caston doit relever pour répondre aux appels de sa circonscription coule de source: impossible pour lui de se promener dans le quartier, ou faire du porte-à-porte pour rencontrer les habitants.

Mais les jeunes prisonniers qu'il encadre l'ont initié à la technologie afin qu'il puisse rencontrer ses électeurs par appel vidéo.

Eligible à une libération anticipée en vertu d'une loi permettant aux détenus condamnés lorsqu'ils étaient adolescents de demander une remise de peine, Joel Caston essaie de ne pas trop se projeter vers le futur.

"Si mon siège n'a servi qu'à inspirer d'autres personnes à s'engager", promet-il, "alors j'ai déjà rempli mon rôle."

Source : AFP

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