Changements climatiques : Les agriculteurs tunisiens optent pour un "retour aux sources"

Les changements climatiques n’en finissent pas de pousser l’Homme dans ses retranchements. Si d’aucuns ont à pâtir de ces changements catastrophiques à l’échelle planétaire, d’autres ont su puiser dans les "richesses du passé" pour composer avec ces nouveaux aléas de la nature.

En Tunisie, le secteur agricole, essentiel à l’économie du pays, connait un regain d’intérêt pour les semences traditionnelles, s’agissant notamment de blé.

Ces variétés anciennes, nées sur ces terres ont appris à s’adapter aux changements de leur environnement sans pesticides ni produits chimiques, alors que les variétés étrangères sont de moins en moins résistantes à la sécheresse et aux différentes maladies fongiques (rouille et septoriose).

Créée en 2007, la Banque nationale des Gènes (BNG) mène, depuis 2010, un "programme national de multiplication et de valorisation des semences locales menacées de disparition".

M’barek Ben Naceur, directeur général de la BNG expliquait, lors d’un récent entretien avec un quotidien local, que leur mission consiste, entre autres, en une "conservation active, c’est-à-dire, qu’on analyse et multiplie les semences qu’on conserve. Puis, on évalue les semences, pour savoir si elles possèdent des gènes de tolérance ou des qualités nutritionnelles".

Et de préciser que le programme lancé en 2010 a débuté sous forme d’expérience : "On a collecté les semences locales, on les a multipliées, ensuite on a choisi 10 agriculteurs à qui on a distribué de petites quantités de semences pour les tester".

Cette expérience a eu un tel succès, les semences locales étant adaptées aux conditions tunisiennes et ayant une qualité nutritionnelle extraordinaire, que "la demande des agriculteurs en semences locales n’a cessé de croître".

Les agriculteurs s’engagent quant à eux à ce que, après la récolte, une quantité de semences équivalente à celle reçue soit rendue à la BNG.

Depuis 2010, la quantité de semences, multipliées et distribuées aux agriculteurs, est passée de 980 kg à plus de 26 tonnes.

Le directeur général de la Banque nationale des Gènes explique que "d’ici 2050, les températures vont augmenter de 1.8 à 2 degrés à l’échelle mondiale. Or les variétés qui ne s’adapteront pas à cette hausse des températures vont fatalement disparaître".

Et de poursuivre : "Nos variétés sont, depuis des milliers d’années habituées à la sécheresse et à la chaleur, ce qui leur permet de résister".

La FAO, organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, qui n’a cessé de mettre en garde contre l’utilisation des variétés hybrides, considérant que cela menace les semences autochtones, a alloué 132 000 euros à la BNG, en 2012, pour développer le programme national de multiplication et de valorisation des semences locales menacées de disparition. 38 variétés de semences traditionnelles sont actuellement cultivées par plus de 80 agriculteurs du pays.

L’aspect traditionnel de ces variétés anciennes réside également dans le fait que les agriculteurs tunisiens réservaient une petite partie de la récolte pour semer la saison suivante, or l’un des inconvénients des nouvelles variétés est que, contrairement aux graines locales, elles ne peuvent pas être replantées, obligeant les agriculteurs à racheter des semences chaque année.

Pour M’barek Ben Naceur, "la préservation de nos variétés locales va dans le sens de la préservation de la sécurité alimentaire du pays"

Il rappelle à cet égard que la Tunisie a récemment ratifié le "protocole de Nagoya", qui va aider à lutter contre l’appropriation illicite des ressources génétiques locales".

Conçu par les parties signataires de la Convention sur la diversité biologique (CDB - traité international juridiquement contraignant), le protocole de Nagoya prévoit qu’en tant qu’autorité scientifique compétente, "la Banque nationale des gènes va élaborer un cadre réglementaire, qui organisera la gestion des ressources génétiques locales (…) et fixera les prix de vente des semences qui seront exportées".

Le directeur général de la BNG explique ainsi que "c’est la Banque des gènes qui autorise l’exportation des semences, et ce, selon des conditions qu’elle définit (…) Désormais, aucun Tunisien ou étranger ne peut faire sortir les ressources génétiques locales sans l’autorisation de la Banque des gènes".

Source : AA

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