La Turquie condamnée devant la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de la liberté d’expression

Ankara a été condamnée dans deux dossiers distincts. Le premier concerne une employée du ministère de l’éducation nationale et le second, un étudiant. Tous deux avaient critiqué les pratiques des autorités turques.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a prononcé, mardi 15 juin, deux condamnations contre la Turquie pour des violations de la liberté d’expression, à l’encontre d’une employée de service public et d’un étudiant.

Le premier cas concerne une employée contractuelle du ministère de l’éducation nationale turc qui avait apposé la mention « J’aime » sur Facebook à certains contenus, critiquant notamment les pratiques répressives dont sont accusées les autorités turques, ou encourageant à manifester contre ces pratiques. L’employée avait été licenciée sans indemnisation, les autorités estimant que ces mentions pouvaient « perturber la paix et la tranquillité du lieu de travail ». Elle avait ensuite été déboutée en justice, alors qu’elle demandait sa réintégration.

A l’unanimité, les sept juges de la CEDH ont estimé que cette employée avait été licenciée en violation du droit à la liberté d’expression, garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. « L’article 10 ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans deux domaines : celui du discours politique et celui des questions d’intérêt général », soulignent les magistrats dans leur décision. Ils notent que les motifs du licenciement « ne peuvent être considérés comme pertinents et suffisants ». La Turquie a, par conséquent, été condamnée à verser 2 000 euros à l’ex-employée pour « dommage moral ».

Un étudiant condamné en 2012 pour un discours de soutien

Le second dossier concerne un étudiant, condamné au pénal après avoir prononcé en 2012 un discours de soutien à des étudiants placés en garde à vue pour s’être opposés à la venue de Recep Tayyip Erdogan, alors premier ministre, sur leur campus universitaire. La CEDH reconnaît que les propos de l’étudiant contenaient « une certaine défiance et une dose d’hostilité » à l’égard de M. Erdogan, mais souligne que « les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier ».

Elle estime qu’il n’y a « pas de rapport de proportionnalité raisonnable » entre la condamnation de l’étudiant et « le but légitime de la protection de la réputation de la personne concernée ». A l’unanimité encore, les sept juges ont condamné la Turquie pour atteinte à la liberté d’expression, et lui ont ordonné de verser 2 000 euros à l’étudiant pour « dommage moral », et 2 000 euros supplémentaires pour frais et dépens.

Source : Le Monde avec AFP

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