En Russie, une semaine de répression entre arrestations et fermetures de médias

Le pouvoir russe renforce la pression sur les partisans d’Alexeï Navalny, emprisonné en février, mais vise au même moment d’autres politiciens d’opposition ainsi que des médias présentés comme critique du pouvoir.

Un opposant tiré d’un avion quelques minutes avant son envol, le vote d’une nouvelle loi visant à barrer l’accès aux élections pour les anti-Poutine « extrémistes », la fermeture de deux médias sous pression politique, une série de perquisitions chez l’un des principaux représentants de l’opposition… À quelques mois des élections législatives russes, la répression du Kremlin a accéléré sa cadence et rétrécit les mailles de ses filets.

La semaine a débuté, lundi 31 mai, avec la spectaculaire arrestation d’Andreï Pivovarov, l’ancien directeur de « Russie Ouverte », une organisation créée par l’oligarque exilé Mikhaïl Khodorkovski déclarée « indésirable » par le pouvoir en 2017, finalement liquidée par ses fondateurs il y a une semaine. Cueilli sur le tarmac de l’aéroport de Saint-Pétersbourg alors qu’il s’apprêtait à s’envoler pour Amsterdam, il a été placé en détention provisoire au titre d’un article du code pénal condamnant la « coopération avec une organisation indésirable ». Jeudi 3 juin, il a été relâché sans être inculpé.

Dès le lendemain, Dmitry Goudkov, un ancien parlementaire, figure de l’opposition russe depuis la fin des années 1990, annonçait que les services de sécurité russes avaient entamé une perquisition dans sa datcha familiale, à deux heures de route de Moscou, ainsi qu’aux appartements de plusieurs de ses collaborateurs. Accusé, d’après le défenseur des droits Pavel Chikov, de n’avoir pas payé un loyer à la mairie de Moscou entre 2015 et 2017, Dmitry Goudkov aurait écopé, mardi 1er juin, de deux jours de détention. 

Hystérie et pression

Pas d’arrestations le mercredi, mais l’adoption par la chambre haute du parlement russe d’une loi interdisant à toute personne liée à une organisation classée « extrémiste » de participer à des élections. La justice russe doit justement examiner, mercredi 9 juin la requête du bureau du Procureur de Russie de classer « extrémiste » la Fondation anti-corruption fondée par Alexeï Navalny, le plus connu des opposants à Vladimir Poutine.

Depuis le début de l’année, la répression des autorités a surtout visé les partisans de ce dernier, emprisonné en février, la société civile craint de la voir s’étendre à trois mois des élections législatives. « L’hystérie et la pression avant les élections sont telles qu’ils peuvent maintenant s’attaquer à n’importe qui, ça ne concerne plus seulement les politiciens d’opposition » s’est inquiété, au micro de la radio « Ekho Mosvky », Iliya Yashine, politicien élu au conseil municipal de Moscou en 2017.

Les médias dans le viseur

Les mesures qui visent l’ensemble des voix dissonantes font au même moment leur effet. La semaine avait débuté avec l’annonce de la fermeture de NEWSru, en raison, d’après sa rédaction, de la dégradation du climat politique. Créé en 2000, le site d’information en ligne était une relique de l’empire médiatique de Vladimir Goussinski, puissant oligarque mis au pas par Vladimir Poutine au début des années 2000 et forcé de quitter le pays.

Vingt et un an d’existence pour NEWSru, un an à peine pour VTimes, un média en ligne créé par un groupe de journalistes du quotidien d’affaires Vedomosti après son rachat par un oligarque proche du Kremlin. Partenaire du « Financial Times », VTimes n’aura survécu que deux semaines à son ajout par la justice russe à un registre des « agents de l’étranger » visant les ONG et médias recevant des financements hors de Russie.

Utilisé comme une source de pression par les autorités, ce « label » a « détruit le business model de VTimes, alors que nous nous sommes toujours conçus comme un business », a expliqué le média lors de l’annonce de sa fermeture. Effrayés par les implications politiques de la mention « agent de l’étranger », les annonceurs publicitaires ont fui en masse ce média indépendant, dont les critiques du pouvoir restaient pourtant soigneusement mesurées.

Source : La Croix

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