L’Australie refuse un visa à Ayelet Shaked
- Le 22 Novembre 2024
Un citoyen ayant apporté son « soutien » à une organisation jugée « extrémiste », comme celle d’Alexeï Navalny, sera rendu inéligible.
Face à un député sceptique, le speaker de la Douma sort la grosse artillerie. Rappelant l’assaut donné par des citoyens américains sur le Capitole, le 6 janvier, Viatcheslav Volodine conclut : « Et on ose nous faire des reproches ! Nous sommes le dernier îlot de démocratie et de liberté. » Réplique d’un élu communiste : « Nous représentons tout de même un dixième des terres émergées de la planète… Nous sommes le continent de la liberté et de la démocratie ! »
Il aura finalement manqué 41 voix (sur 450), mais l’Assemblée présidée par M. Volodine a bel et bien adopté, mardi 25 mai, une loi qui constitue l’un des reculs démocratiques les plus graves de ces dernières années en Russie. Le texte adopté en deuxième lecture permet d’écarter du processus électoral les candidats indésirables de manière beaucoup plus facile et rapide que ce qui se pratiquait jusque-là – invalidation des dossiers de candidature pour des « erreurs » ou procédures judiciaires ad hoc destinées à rendre inéligible.
A l’approche des élections législatives de septembre, et alors que la popularité du parti au pouvoir est au plus bas, la loi « sur la garantie des droits électoraux » a été modifiée pour interdire à toute personne impliquée dans une organisation « extrémiste » d’être élu député.
Cette loi a immédiatement été surnommée « loi FBK », du nom du Fonds de lutte contre la corruption d’Alexeï Navalny, qui attend précisément d’être classé comme « extrémiste » et dont l’activité a d’ores et déjà été interdite par la justice, en même temps que d’autres structures de l’opposant emprisonné.
Entre la première et la deuxième lecture, le texte s’est largement durci. Il concerne désormais tous les scrutins, et pas seulement les élections législatives ; est visée « toute forme de soutien », et plus seulement la participation ; le tout a un caractère rétroactif sur trois ans.
En clair, une personne ayant retweeté un message d’Alexeï Navalny il y a un an, quand son organisation n’était pas « extrémiste », pourra se voir interdire de participer à l’élection de son conseil de quartier. Il en ira de même des milliers de personnalités russes qui se sont exprimées publiquement sur son empoisonnement.
Ces précautions verrouillent encore un peu plus le système électoral russe, qui ne tolère que les partis loyaux sur l’essentiel – communistes, nationalistes du Parti libéral-démocrate de Russie (LDPR) et différentes formations téléguidées par le Kremlin apparaissant et disparaissant à chaque élection.
Malgré ces verrouillages et des entorses au processus électoral de plus en plus nombreuses, des candidats indépendants ou des partisans d’Alexeï Navalny parvenaient encore à se présenter et à se faire élire à des scrutins locaux, dans certaines régions aux mœurs plus libérales. Ailleurs, sa stratégie consiste à appeler à faire battre le candidat de Russie unie, le parti au pouvoir.
L’attention portée par le pouvoir russe à l’échelon local a aussi été illustrée durant le week-end par une nouvelle intervention de la police à un congrès de députés municipaux indépendants, organisé cette fois dans la ville de Veliky Novgorod, sans aucun lien avec Alexeï Navalny. Le gouverneur local avait modifié quelques jours auparavant les règles sanitaires pour interdire les réunions de plus de 30 personnes, poussant les participants à se réunir dans plusieurs salles.
Refusant de faire un compte précis, la police a embarqué tous les participants. L’organisatrice, l’ancienne élue locale Ioulia Galiamina, a été condamnée à sept jours de prison pour refus d’obéir. Après qu’elle eut annoncé son intention de se présenter à la Douma, Mme Galiamina avait été privée au mois de mars de son mandat municipal (et de son emploi de professeure d’université) et rendue inéligible pour avoir participé à des manifestations illégales. Ailleurs en Russie, d’autres députés locaux ont été arrêtés, comme Ksenia Fadeeva, dont Le Monde avait raconté l’élection à Tomsk.
S’agissant d’Alexeï Navalny lui-même, il a indiqué mardi faire l’objet de trois nouvelles enquêtes criminelles. Il avait été condamné à deux ans et huit mois de prison, à son retour en Russie en février, pour une entorse à un contrôle judiciaire, après avoir été soigné à Berlin à la suite de son empoisonnement à l’été 2020.
« Ma puissante organisation criminelle prend de l’ampleur. Je commets de plus en plus de crimes », a-t-il ironisé dans un message transmis à ses avocats et publié sur les réseaux sociaux. Ces nouvelles affaires concernent l’outrage à une juge ; le détournement supposé de « tous les dons » adressés à ses structures ; la création d’une organisation « nuisant aux droits des citoyens », un article habituellement réservé aux sectes.
Source : Le Monde