Tunisie : On importe encore du phosphate

Au cours des quatre premiers mois de 2021, les importations de phosphate ont augmenté de 35,1% par rapport à la même période en 2020. Un chiffre surréaliste compte tenu des réserves nationales du précieux minerai, mais on ne peut plus logique si l’on se réfère à la gabegie qui ravage le pays depuis dix ans.

En avril 2018, nous nous sommes entretenus avec le géologue Kamel Djellouli au sujet des ressources en phosphates dont dispose le pays et des difficultés auxquelles est confronté la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG). Au fil de la discussion, l’idée d’importer du phosphate a été, promptement, évoquée.

La réponse de M. Djellouli en fut des plus cinglantes : « Importer du phosphate ? Vous rigolez ! Mais c’est une hérésie. Il ne faut pas croire certaines rumeurs, qui, à mon avis, ne font qu’attiser la colère du peuple contre son gouvernement ».

De l’hérésie à la réalité

Trois ans plus tard, et contre toute attente faut-il l’avouer, la Tunisie, 5ème producteur mondial de phosphate, est acculée à importer la précieuse denrée dans le but d’honorer ses commandes à l’étranger, notamment auprès du marché asiatique (Inde, Pakistan, etc.).

Les importations de phosphate ont, vraisemblablement, commencé en 2019, bien avant le début de la pandémie. Confronté à des blocages incessants et à l’incapacité de maintenir une exploitation continue sans interruptions, l’Etat a dû, à contrecœur, se tourner vers le rival marocain pour faire venir du phosphate brut.

Un comble pour un pays qui jadis accusait une production annuelle de 8,3 millions de tonnes pour 9000 employés, soit 4% du PIB national en 2010 ; et qui, aujourd’hui, n’arrive pas à dépasser les 3 millions de tonnes avec un effectif de 30.000 employés !

A la merci du grand banditisme

Cette situation désastreuse résulte du laxisme postrévolutionnaire qui a, sous la pression des syndicats et des partis politiques, mené la quasi intégralité des entreprises publiques du pays à une crise économique sans précédent.

A travers les recrutements incessants à coup de piston, l’octroi de primes salariales injustifiées et l’incapacité à maintenir un semblant d’ordre de peur des représailles, le secteur du phosphate, comme bon nombre d’autres secteurs, est, aujourd’hui, à la merci du grand banditisme qui use, à tort et à travers, des « acquis de 2011 » pour faire bloc à un Etat tiraillé par les querelles partisanes.

A ce rythme, la Tunisie en viendra à importer de l’huile d’olive en bouteille de nos voisins italiens. Et devinez quoi ? Ce sera notre propre huile que nous n’avons pas pu conditionner…

Source : Webdo

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