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Désormais libéré des sanctions américaines qui le tenaient à l’écart des marchés financiers, le pays prépare son retour sur la scène internationale.
Présenter le Soudan sous un nouveau visage. C’est l’objectif affiché par la délégation menée par le premier ministre Abdallah Hamdok et le chef du Conseil souverain de transition, le général Abdel Fattah al-Burhan, accompagnés de huit ministres et d’une cinquantaine de dirigeants du secteur privé, lundi 17 mai à Paris. Une conférence internationale y est organisée pour encourager la relance de ce pays à l’économie exsangue à la veille du sommet consacré au financement des Etats africains, également convoqué dans la capitale française.
Depuis la chute du régime d’Omar al-Bachir, en avril 2019, à la suite de manifestations de masse, la France s’était engagée à organiser un tel événement pour appuyer le processus de transition politique et apporter un soutien financier à ce pays longtemps tenu à l’écart du marché international. Les Etats-Unis avaient ainsi inscrit le Soudan dès 1993 sur la « liste des Etats soutenant le terrorisme », notamment pour avoir accueilli le dirigeant d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden. En décembre 2020, avant de quitter la Maison Blanche, l’ex-président américain Donald Trump a retiré le pays de cette liste noire synonyme de sanctions économiques et d’entrave aux investissements étrangers.
Deux ans après la chute d’Omar al-Bachir, le Soudan fait toujours face à de nombreux défis. Le pays a entamé une transition politique inédite issue d’un « partenariat » entre civils et militaires et censée aboutir à des élections à l’horizon 2024. Mais l’héritage des trois décennies de règne de Bachir, marquées par la corruption et la mauvaise gestion, ainsi que le poids écrasant d’une dette estimée à plus de 60 milliards de dollars (plus de 49 milliards d’euros), rendent la tâche particulièrement ardue pour les nouveaux dirigeants.
Les négociations sur la dette soudanaise constitueront l’enjeu numéro un de la conférence internationale. Khartoum a besoin d’aide pour, dans un premier temps, apurer ses arriérés de paiement auprès de certaines institutions comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque africaine de développement (BAD).
Le dossier a déjà bien avancé. En janvier, Washington s’est engagé à fournir une aide de 1,15 milliard de dollars au Soudan pour l’aider à rembourser sa dette envers la Banque mondiale. Le Royaume-Uni, la Suède et l’Irlande ont de leur côté prêté plusieurs centaines de millions de dollars pour que Khartoum se régularise auprès de la BAD. La France, pour sa part, s’est dite prête à accorder un prêt relais pouvant atteindre 1,5 milliard de dollars afin d’aider Khartoum à rembourser ses arriérés au FMI.
Le Soudan fait désormais figure de bon élève du FMI, qui a renouvelé le 10 mai son soutien aux réformes entreprises par les autorités et a annoncé un plan de financement ouvrant la voie à l’allégement de la dette. C’est « une étape cruciale pour aider le Soudan à faire progresser le processus de normalisation de ses relations avec la communauté internationale », a commenté Kristalina Georgieva, la directrice générale du FMI, en attendant le feu vert officiel de l’institution – une conférence se tiendra en juin à Washington.
Lundi, le gouvernement Hamdok prévoit aussi de parler d’une « remise de dette avec le Club de Paris », le « plus important créancier » du Soudan avec environ 38 % du stock de dette extérieure, comme l’a confirmé le premier ministre à l’AFP. Apurer son ardoise permettrait au Soudan de réaliser de nouveaux emprunts auprès des bailleurs de fonds internationaux. « La conférence de Paris sera un nouveau point de départ pour la construction de partenariats internationaux et pour soutenir l’économie nationale », a affirmé Mariam al-Mahdi, la ministre des affaires étrangères.
Le message s’adresse notamment aux investisseurs étrangers, que Khartoum espère voir enfin revenir après des années de mise au ban des marchés. A Paris, plusieurs secteurs stratégiques comme les infrastructures, l’agriculture, l’énergie, les minéraux ou les communications seront mis en avant lors d’une rencontre entre des acteurs du secteur privé soudanais et des entreprises étrangères.
Les attentes sont grandes du côté de Khartoum, car les autorités jouent gros. Depuis la chute de Bachir, les autorités soudanaises tentent de se conformer aux normes financières internationales. Mais la série de réformes économiques visant à rentrer dans les clous fixés par le FMI est mal perçue par la société civile. La cure d’austérité incarnée par la levée des subventions sur la farine ou le carburant a provoqué des nombreuses manifestations dans le pays.
La décision d’adopter un taux de change flottant a de fortes répercussions sur les ménages modestes. L’unification des taux de change a conduit à une dévaluation brutale de 85 % de la livre soudanaise et donné un coup de fouet à l’inflation. Les coupures d’électricité, les pénuries d’essence ou de médicaments sont incessantes et pourraient ébranler le cours de la transition politique.
Néanmoins, les responsables soudanais se montrent optimistes. « Nous ne sommes plus un pays qui soutient le terrorisme, croulant sous sa dette et dirigé par des islamistes. Notre visage a changé, nous avons réintégré la communauté internationale et amorcé un processus de paix chez nous avec différents groupes rebelles. Notre pays est riche de ressources, au cœur d’une région stratégique », remarque l’ancien ministre des affaires étrangères Omer Gamareldin, aujourd’hui conseiller pour les partenariats internationaux auprès d’Abdallah Hamdok.
Quand bien même le Soudan n’appartient pas à sa zone d’influence traditionnelle, Paris semble vouloir marquer le coup en lui déroulant le tapis rouge, conscient de l’intérêt stratégique de nouer un partenariat avec un pays bordant la mer Rouge et frontalier de la Libye, du Tchad, de l’Egypte et de l’Ethiopie.
Source : Le Monde