La CEDH ordonne à la Russie la libération « immédiate » de l’opposant Alexeï Navalny

En tant que signataire de la Convention européenne des droits de l’homme, Moscou a « l’obligation de respecter » cette décision. Le ministère de la justice russe a d’ores et déjà exclu une telle libération.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a demandé au gouvernement russe la libération « avec effet immédiat » de l’opposant Alexeï Navalny, selon une décision rendue publique mercredi 17 février et relayée sur le blog de l’avocat et militant.

« La Cour a tenu compte de la nature et de l’ampleur du risque pour la vie du requérant, (…) considéré à la lumière des circonstances générales de la détention actuelle du requérant », détaille la CEDH dans un communiqué. La Russie, en tant que signataire de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, a « l’obligation de respecter » cette décision, insiste la CEDH.

Cette « mesure provisoire » a été prise à la suite d’une requête déposée par l’opposant russe, le 20 janvier, dans laquelle il réclamait sa libération. Il estimait que les dispositions prises par les autorités russes pour assurer sa détention « ne pouvaient pas fournir des garanties suffisantes pour sa vie et sa santé ».

Alexeï Navalny avait été interpellé le 17 janvier à son retour d’une convalescence de plusieurs mois en Allemagne. Sa détention avait suscité des manifestations à travers la Russie qui ont donné lieu à quelque 11 000 arrestations.

Cette décision est dénuée de « base légale » et « délibérément inapplicable », a estimé le ministre de la justice, Konstantin Tchouitchenko. Ce dernier a, par ailleurs, dénoncé « une ingérence grossière dans le processus judiciaire russe, qui dépasse les lignes rouges ». Le choix des termes est étonnant, puisque c’est la Russie elle-même qui a tout fait pour réintégrer l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont la CEDH dépend.

« Risque imminent de dommage irréparable »

Le bras de fer qui s’annonce constitue aussi un test vis-à-vis des projets russes de s’affranchir d’une partie du droit international. Depuis 2015, Moscou a adopté plusieurs législations qui clament la primauté du droit russe.

Une modification de la Constitution allant dans ce sens est aussi intervenue, dans la foulée des modifications constitutionnelles décidées à l’été 2020, mais sa portée est encore limitée : les décisions des « organismes intergouvernementaux » peuvent ne pas être appliquées si elles vont à l’encontre de la Constitution russe.

D’ordinaire, la Russie se conforme aux jugements de la CEDH, et elle a même versé à de nombreuses reprises des compensations financières à M. Navalny dans le cadre de procédures jugées abusives ou irrégulières par la Cour de Strasbourg.

Les Etats membres de la Convention européenne des droits de l’homme ont l’obligation de se conformer aux mesures provisoires prononcées par la CEDH. Toutefois, plusieurs Etats ont, par le passé, décidé de ne pas s’y soumettre. Ce fut le cas, en 2005, quand la Turquie avait extradé deux ressortissants ouzbeks, en dépit d’une décision de la Cour. D’autres pays, dont la Moldavie, en 2009, ou la Russie, en 2016, ont été déjà été condamnés pour « non-respect » de cette obligation.

Le non-respect de ces mesures par un Etat qui a ratifié la Convention « met en péril l’efficacité du droit de recours individuel », ainsi que l’engagement formel de l’Etat de « sauvegarder les droits et libertés énoncés dans la Convention », fait valoir l’instance. Les mesures provisoires sont le résultat d’une procédure exceptionnelle. Elles constituent des « mesures d’urgence », prises en considération d’un « risque imminent de dommage irréparable », afin de permettre le « bon déroulement de la procédure ».

La CEDH rappelle qu’une telle décision ne permet pas de « préjuger des décisions ultérieures sur la recevabilité ou le fond de l’affaire ».

Source : lemonde

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