Mandats d’arrêt de la CPI : quelles conséquences juridiques pour Netanyahu et Gallant?

La Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d'arrêt contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité perpétrés dans les territoires palestiniens, notamment à Gaza.

Ces mandats d’arrêt constituent une avancée significative dans les efforts en cours pour tenir Israël responsable de son génocide à Gaza, - qui dure depuis plus d’un an - et de l’escalade des tensions en Cisjordanie occupée.

La Chambre préliminaire I de la CPI, basée à La Haye, a déclaré dans un communiqué avoir ‘’émis des mandats d’arrêt contre deux individus, Benyamin Netanyahu et Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins du 8 octobre 2023 au moins jusqu'au 20 mai 2024, jour où l’Accusation a déposé les demandes de mandats d’arrêt’’.

Elle a également rejeté à l’unanimité les contestations d’Israël (concernant la compétence de la Cour, ndlr) au titre des articles 18 et 19 du Statut de Rome.

En ce qui concerne les crimes présumés des deux hauts responsables israéliens, la Chambre préliminaire I a déclaré avoir ‘’trouvé des motifs raisonnables’’ de croire que Netanyahu et Gallant, au moment des faits reprochés, ‘’portent chacun la responsabilité pénale des crimes suivants en tant que coauteurs pour avoir commis les actes conjointement avec d’autres : le crime de guerre de famine comme méthode de guerre ; et les crimes contre l’humanité de meurtre, de persécution et d’autres actes inhumains’’.

La CPI a également émis à l'unanimité un mandat d'arrêt contre Mohammed Diab Ibrahim al-Masri, communément appelé ‘’Deif’’.

Selon Israël, Deif a été tué par une frappe le 13 juillet dans le sud de Gaza, bien que le Hamas nie sa mort.

Les mandats d'arrêt émis contre les hauts responsables israéliens, selon des experts, font de Netanyahu et Gallant des criminels de guerre présumés. Cette décision de la CPI à l’endroit des dirigeants d'un pays allié de l’Occident, est inédite.

La décision de la CPI a des répercussions importantes pour Netanyahu et Gallant, dont la plus significative se résume au fait que les 124 États Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale sont désormais tenus légalement de les arrêter et de les remettre aux fins de poursuites s’ils mettent le pied sur leur territoire.

Sur ces 124 pays, certains sont des plus fidèles alliés occidentaux d’Israël, qui lui ont fourni armes et couverture diplomatique pour perpétrer ses atrocités contre les Palestiniens, comme le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, l’Allemagne, la France, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas et la Norvège.

D’autres pays européens seraient inaccessibles aux dirigeants israéliens, notamment l’Espagne, la Suisse, le Danemark, la Croatie, la République tchèque, la Finlande, la Hongrie, le Portugal et la Pologne.

Les autres États Parties majeurs au statut de la CPI sont la Grèce, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, le Japon, l’Afrique du Sud, le Nigéria, le Mexique, le Kenya, la Colombie et le Brésil.

Les États-Unis se sont retirés de la CPI en 2002, ce qui signifie qu’ils ne seraient pas tenus légalement d’appliquer la décision de la Cour, basée à La Haye, contre Netanyahu et Gallant.

Cependant, bien que les États non membres n’aient aucune obligation d’appliquer la décision de la CPI, ils sont ‘’encouragés’’ à prendre des mesures pour exécuter les mandats d’arrêt, puisque la Cour elle-même ne dispose d’aucun mécanisme d’exécution.

Un document de la CPI indique que certains pays non-signataires ont joué un rôle actif dans les opérations de reddition précédentes.

‘’Toutefois, lorsque le Conseil de sécurité des Nations unies fait appel à la compétence de la Cour sur une situation donnée, les États membres concernés de l’Onu, qu’ils soient ou non partie au Statut de Rome, ont le devoir de coopérer’’, peut-on lire dans le document.​​​​​​​

** ‘’Les alliés d’Israël en Occident seront soumis à des pressions’’

Le juriste Gerhard Kemp a déclaré à Anadolu que la décision de la CPI d'émettre des mandats d'arrêt est ‘’importante pour plusieurs raisons’’ et exerce une pression sur les nations qui soutiennent Israël malgré la réaction de la communauté internationale face au génocide à Gaza.

‘’Cette décision souligne la compétence de la CPI sur la situation en Palestine. La Cour, rejette les objections d’Israël concernant sa compétence et elle formule des observations importantes sur la nature du conflit (conflit armé international et application du droit international humanitaire, etc.) et la pertinence des preuves’’, a-t-il expliqué.

Et d’ajouter : ’’Ce qui est peut-être le plus important, c’est que cette décision confirme le principe de la CPI selon lequel la qualité officielle ne constitue pas un obstacle à l’exécution de mandats d’arrêt et, en fin de compte, à trainer devant la CPI de hauts responsables gouvernementaux, en l’occurrence le premier ministre israélien’’.

‘’Tout comme les mandats d’arrêt de l’ex-président soudanais, Omar el-Béchir, et du président russe Vladimir Poutine, celui lancé contre Netanyahu ‘’posera des défis diplomatiques et politiques importants aux membres de la CPI, en particulier aux États parties occidentaux – comme l'Allemagne et le Royaume-Uni’’, a-t-il fait observer.

‘’Bien sûr, les États parties au Statut de Rome de la CPI ont une obligation juridique… mais comme nous l’avons vu avec Omar el-Béchir (lorsque l’Afrique du Sud, la Jordanie et d’autres États n’ont pas exécuté le mandat d’arrêt) et plus récemment avec la Mongolie (lorsque le pays n’a pas arrêté Poutine), les États membres ont souvent du mal politiquement à respecter leurs obligations’’, a déclaré Kemp.

‘’Je pense que les pays européens et les autres alliés traditionnels d’Israël en Occident seront obligés de prendre rapidement position sur la question de savoir s’ils exécuteront ou non les mandats d’arrêt si l’occasion se présente’’, a-t-il conclu.

Source: AA

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