Tunisie : Les pluies de décembre ravivent l'espoir des agriculteurs lésés par la sécheresse de 2023

Jusqu'à la mi-novembre, les agriculteurs tunisiens n'espéraient pas une saison agricole exceptionnelle, mais les dernières semaines ont apporté des signes positifs pour cette saison qui n'en est encore qu'à ses débuts.

Craignant une baisse persistante des précipitations, le ministère tunisien de l'Agriculture a décidé, fin septembre dernier, de prolonger la rationalisation de la distribution de l'eau potable et d'empêcher son utilisation à des fins agricoles, pour l'irrigation des espaces verts, le nettoyage des rues et des lieux publics ou encore le lavage des voitures.

Le ministère explique cela par "la récurrence des années de sécheresse et du tarissement des eaux qui a affecté négativement les réserves des barrages, qui ont atteint un niveau inédit ".

 

** La pluie après la sécheresse

Les données publiées par l'Institut National de Météorologie Tunisien (gouvernemental), montrent que plusieurs régions ont enregistré des quantités de pluie dépassant les 100 mm.

Ces précipitations ont concerné des zones habituellement considérées comme relativement sèches, notamment "Ouled Chamekh" dans le gouvernorat de Mahdia (est), qui a enregistré 120 mm de pluie, la station de Beni Hassan dans le gouvernorat de Monastir (est) en a quant à elle enregistré 130 mm, tandis que la station de Hergla dans le gouvernorat de Sousse (est) a enregistré 117 mm.

 

** Un espoir retrouvé

Chokri Rezgui, vice-président de l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (UTAP - syndicat des agriculteurs), a pour sa part déclaré : "Oui, les récentes pluies ont permis de retrouver une certaine confiance et nous espérons que cette année sera une bonne année agricole, qui compensera la sécheresse de l'année dernière".

Et d'ajouter dans un entretien avec Anadolu : "Les pluies ont été abondantes et 150 millions de mètres cubes d'eau se sont déversés dans les barrages, dont le taux de remplissage est passé à environ 25 %."

En ce qui concerne les semailles, Rezgui a déclaré : "Nous avons atteint 50 % d'avancement dans la saison agricole, sur les 1,2 million d'hectares alloués à la culture des céréales".

"Nous serons en mesure de moissonner un million, 700 000 hectares ou 600 000 hectares, en fonction de la pluviométrie que nous enregistrerons au cours des prochains mois", a-t-il ajouté.

 

** Ressources propres

En ce qui concerne les ressources des agriculteurs, Rezgui a déclaré : "Cette année, il est prévu de planter 1,2 million d'hectares, et les agriculteurs font face à la saison avec leurs propres ressources, grâce à des prêts ou à l'obtention de produits de semis auprès de fournisseurs".

Et d’ajouter : "Les semences sont disponibles dans une bonne proportion. En ce qui concerne le blé dur, 170 000 quintaux de semences de premier ordre ont été fournis aux agriculteurs, et 120 000 quintaux de blé dur proviennent de semences ordinaires fournies par l'État et d'autres fournies par les agriculteurs dans les régions productrices de blé, telles que Beja (nord), Jendouba (nord-ouest) et Bizerte (nord)".

Pour ce qui est de l'aide de l'État aux agriculteurs, Rezgui a déclaré : "L'État n'a pas donné d'ordre clair pour aider les agriculteurs, et le ministère de l'agriculture s'est efforcé de fournir autant de semences que possible."

"Nous n'avons pas vu d'aide tangible sur le terrain, mais la fourniture de semences par l'État est une excellente chose, et l'État a également fourni environ 201 000 quintaux d'orge pour les semailles", a-t-il ajouté.

Pour sa part, Mohamed Ali Ben Romdhane, directeur adjoint à la direction générale de la production agricole, relevant du ministère de l'Agriculture, a déclaré : "Nous attendions la pluie depuis un certain temps, et elle s'est abattue sur toutes les régions productrices de céréales ces derniers jours".

Ben Romdhane a ajouté, lors d’un entretien avec Anadolu : "Les pluies marquent le début effectif de la saison céréalière, en particulier dans le nord-ouest, qui a connu quatre années de sécheresse, et c'est un bon signe."

 

** 1,2 million d'hectares de céréales

Selon Ben Romdhane, "les superficies ensemencées sont de l'ordre de 600 000 hectares, et nous en sommes à 50 pour cent des semailles".

"En raison de ces pluies, il y aura une pression dans le domaine agricole, toutes les régions demandent dès maintenant des semences de premier ordre", a-t-il ajouté.

Et de poursuivre : "Depuis septembre dernier, l'État a affecté 170 000 quintaux de blé dur aux zones agricoles, ainsi qu'un programme contrôlé d'orge préparé pour les semailles".

Il a souligné que "les demandes se multiplient, étant donné que nous sortons d'une saison difficile et que les récentes pluies sont encourageantes, puisque nous avons de grandes zones dans le nord-ouest au Kef et à Siliana qui ont bénéficié de précipitations importantes".

 

** L'Etat encourage les semailles

En ce qui concerne les programmes de l'État visant à fournir des semences de premier ordre, Ben Romdhane a déclaré : "Nous avons un programme exceptionnel pour fournir des semences contrôlées de blé dur, et un programme pour atteindre l'autosuffisance en blé dur, prévoyant 12 millions de quintaux."

Il a précisé que "le manque d'engrais et de semences est dû aux aléas de la distribution, mais des quantités suffisantes sont disponibles. Ainsi, pour le blé destiné aux semailles, le prix est de 150 dinars le quintal (50 dollars US), sachant que 30 % du prix est subventionné par l'Etat pour les semences de qualité supérieure et les semences normales".

Mohamed Ali Ben Romdhane a souligné que "la campagne agricole a démarré tardivement, en l'absence des pluies d'automne, l'agriculteur doit maintenant semer et fertiliser, et les services de l'orientation agricole (gouvernementaux) demeureront à son service".

 

**L'Etat encourage les agriculteurs

Dans ce contexte, le responsable a déclaré : "Nous encourageons les agriculteurs en fournissant des semences à des prix raisonnables, et nous n'avons pas augmenté le prix des engrais malgré leur coût élevé."

"Il existe un calendrier de l'État pour les prêts aux agriculteurs, ainsi qu'un fonds pour compenser les dommages qu'ils ont subis. Les agriculteurs se doivent, également, d'assurer leurs terres auprès de la Caisse tunisienne d'assurances mutuelles agricoles (CTAMA)", a poursuivi Ben Romdhane.

Et d’expliquer que "l'État a versé quelque 60 millions de dinars (20 millions de dollars) à l'ensemble des agriculteurs qui se sont inscrits, en guise de compensation pour les pertes subies l'année dernière ".

Selon Ben Romdhane, l'Etat est intervenu pour que l'agriculteur ait accès à un financement, "facilitant les prêts de campagne souscris auprès de la Banque Nationale Agricole et de la Banque Tunisienne de Solidarité (gouvernementales)".

Selon les chiffres officiels, le secteur agricole représente environ 10 % du produit intérieur brut de la Tunisie, 10 % des exportations du pays, 8 % des investissements totaux dans l'économie nationale, 14 % de la main-d'œuvre active et constitue une source de revenus pour plus de 570 000 travailleurs.

En juillet dernier, la Tunisie a connu une vague de chaleur au cours de laquelle les températures ont dépassé les 50 degrés dans certaines régions.

 

** Réserves des barrages

La Tunisie a souffert d'une sécheresse et d'une baisse des réserves des barrages, en raison du changement climatique qui a fait que les trois dernières années ont été marquées par des températures élevées et des faibles taux de précipitations.

Les principaux barrages en Tunisie sont au nombre de 40, avec une capacité totale de 2,69 kilomètres cubes. La plupart sont situés dans le bassin nord du pays, notamment dans les gouvernorats de Siliana (nord), Bizerte (extrême nord), Zaghouan (nord-est), Jendouba et Beja (nord-ouest) et Kairouan (centre).

Les réserves des barrages tunisiens ont totalisé 543 483 mètres cubes jusqu'à la mi-décembre 2023, alors que les réserves moyennes des trois dernières années, à la même période, étaient de 859 791 mètres cubes, enregistrant ainsi une baisse de 316 307 mètres cubes, selon le dernier communiqué publié par la Direction Générale des Barrages et des Grands Travaux Hydrauliques, relevant du ministère de l'Agriculture.

Parmi les barrages les plus importants, figurent Sidi Salem (gouvernorat de Béja - le plus grand barrage du pays), Bouhertma (gouvernorat de Jendouba), Sejnan (gouvernorat de Bizerte) et Sidi Saad (gouvernorat de Kairouan), dont le niveau de remplissage à la mi-décembre atteignait respectivement 27, 24, 26 et 23 %, selon le site officiel de la Direction Générale des Barrages et des Grands Travaux Hydrauliques.

Selon les données communiquées par cette administration, 50 incendies de forêt ont été enregistrés entre le 1er juillet et le 10 août, détruisant une superficie de 1 777 hectares, contre 92 incendies enregistrés durant la même période en 2022, qui ont détruit 3 166 hectares.

Source: AA

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