Madagascar : 22 somaliens trouvent la mort suite au naufrage de deux bateaux
- Le 25 Novembre 2024
8 % de la population de la ville libyenne de Derna a été tuée ou portée disparue dans les récentes inondations dévastatrices. Un quart des quartiers de la ville a été rayé de la carte. Cette catastrophe est sans précédent au Maghreb, dans le monde arabe et même au niveau mondial, au cours des vingt dernières années.
Ce pourcentage révèle l'ampleur de la catastrophe survenue à Derna (1 350 km à l'est de Tripoli), qui a surpassé la tragédie des inondations de 2001 à Bab El Oued en Algérie, qui a été la plus importante au Maghreb depuis le début du XXIe siècle, ou même les inondations de 2013 en Inde, au cours desquelles des milliers de personnes ont péri.
L'ouragan Daniel, qui a frappé l'est de la Libye le 10 septembre, a causé la mort d'au moins 6 000 personnes et la disparition d'environ 10 000 autres dans une ville dont la population est estimée à 200 000 habitants. Plus de 36 000 personnes ont été déplacées, selon les premiers chiffres officiels.
Ces chiffres révèlent l'étendue du désastre humanitaire qui a frappé les habitants de Derna.
- Vingt fois les inondations de l'Algérie
Les inondations de Bab El Oued à Alger en 2001, qui ont fait environ 800 morts dans une ville dont la population est estimée à environ 4 millions d'habitants et qui sont décrites comme la plus grande tragédie du Maghreb suite aux inondations, ne sont guère comparables à l'ampleur de la catastrophe de Derna.
Même si les Algériens se souviennent encore des inondations de Bab El Oued avec beaucoup de tristesse, au point que les supporters des équipes de football de la capitale scandent encore dans leurs chants "Bab El Oued les martyrs", le nombre de morts et de disparus à Derna est 20 fois le nombre de morts des inondations de Bab El Oued, alors que la population de la capitale algérienne équivaut à environ 20 fois celle de Derna.
Ces chiffres donnent une idée approximative sur l’ampleur de la catastrophe de Derna, difficile à imaginer ou à comprendre par certains.
- Les pires inondations du 21e siècle
Si l'on quitte la région du Maghreb et ses vallées saisonnières pour aller loin vers la péninsule indienne et ses rivières abondantes, sa forte densité de population et réputée pour ses inondations dévastatrices, on constate que l'ouragan Daniel qui a frappé Derna n'a pas été moins dramatique que les ouragans asiatiques.
En 2013, l’État de l’Uttarakhand, dans le nord de l’Inde, a été frappé par des inondations qui ont coûté la vie à 5 700 personnes, un nombre important légèrement inférieur au bilan provisoire des morts dans le sinistre de Derna.
En revanche, la population de l’Uttarakhand dépassait à l’époque les 10 millions d’habitants, soit 50 fois la population de Derna, ce qui reflète l’ampleur de la tragédie de la « petite » ville libyenne.
Quant aux fameuses inondations de 2022 au Pakistan, qui ont fait 1 128 morts, elles n’ont certainement pas été aussi importantes que celles de Derna, malgré les grandes destructions qu’elles ont causées aux infrastructures et à l’économie du pays.
Anadolu a passé en revue les pires inondations dévastatrices survenues depuis un siècle en matière de nombre de morts par rapport à la proportion de la population. A l'aune de ces données, les inondations de Derna sont les pires depuis un siècle, même si le bilan reste provisoire et risque de s'alourdir au regard du grand nombre des disparus sans compter les blessés.
La crue du Yangtsé en Chine, en 1931, reste la pire dans l'histoire, ayant fait entre deux à quatre millions de morts directement ou indirectement, après que les eaux du fleuve Yangtsé, troisième plus grand fleuve du monde, ont débordé et inondé les rizières, provoquant famine et épidémies à la suite notamment de la propagation et de la décomposition des cadavres au cours des mois qui suivirent le déluge.
Par conséquent, Derna a besoin d’une aide locale et internationale, pour récupérer les corps et les enterrer avant qu’ils ne se décomposent et que les épidémies ne se propagent. Les survivants ont également besoin d'aide urgente: de la nourriture, des abris et des soins aux blessés et aux déplacés.
- Le plus grand sinistre de l'histoire de la ville
Aucune source n'a encore rapporté que Derna ait jamais subi des pertes humaines et matérielles de cette ampleur lors d'un ouragan d'une seule journée et de pluies torrentielles au cours des cent dernières années, même si la ville a une longue histoire d'inondations.
Derna, qui est géographiquement entourée par les collines de la Montagne Verte et la mer Méditerranéenne, et traversée par un oued, avait connu des inondations en 1941, pendant la Seconde Guerre mondiale (1945 - 1939), alors qu'elle était alors sous le contrôle des forces allemandes, mais les sources n'ont pas parlé du nombre de morts, à l'exception des récits de chars nazis emportés par les pluies diluviennes.
En 1959, huit ans après l'indépendance du pays, Derna a été inondée par la crue du Oued dont elle porte le nom, faisant des centaines de morts et de blessés, selon ce que rapportait précédemment le correspondant d'Anadolu en Libye, citant l'historien Faraj Daoud al-Darnawi.
Derna a résisté aux inondations de son Oued. En 1961, un barrage à granulats de taille moyenne et d'une hauteur de 40 mètres pour contenir les eaux a été construit. Il contribué à protéger la ville des inondations de 1968 à 1969.
À l’époque de Mouammar Kadhafi (1969-2011), le barrage a été entretenu en 1977, puis réentretenu en 1986. Un autre petit barrage a été construit pour renforcer la protection de la ville contre les inondations.
La dernière année du règne de Khadafi, comme celle du début de son ascension au pouvoir, a été marquée par des inondations, sans qu'elles soit dévastatrices.
Les deux barrages ont protégé la ville et atténué l'impact des flots, qui coulaient des petites vallées, de La Montagne Verte et ses hautes collines pour se rassembler dans l'Oued de Derna.
- Isolement et guerres
Après la chute de Kadhafi, Derna a été confrontée à l'isolement politique et au développement, après avoir été contrôlée par plusieurs groupes extrémistes qui ne reconnaissaient aucun gouvernement, qu'il soit de l'Est ou de l'Ouest, ce qui a accru son isolement.
L'organisation terroriste Daech a tenté de prendre le contrôle de la ville entre 2014 et 2015, mais elle a été contrée par une alliance de groupes armés de la ville, réunis sous la bannière du Conseil de la Choura des Moujahidines de Derna, qui a réussi à vaincre les terroristes.
L'alliance est restée tout de même isolée et assiégée dans la région montagneuse, entre les villes de Tobrouk (siège de la Chambre des représentants) et d'Al-Bayda (siège du gouvernement intérimaire), qui sont soumises aux forces de l'Est dirigées par Khalifa Haftar.
Après la chute de la ville de Benghazi par les forces de Haftar, après environ trois ans de combats (2014-2016) contre le Conseil de la Choura des révolutionnaires de Benghazi, les forces se sont consacrées à combattre les moudjahidines de Derna.
Les forces de Haftar ont assiégé Derna depuis 2016 et ont réussi à renverser la ville en 2018, après avoir mené une guerre de rue dans laquelle des avions et des armes lourdes ont été utilisés. Les combats ont provoqué de grandes destructions dans la ville, précédés d'un bombardement aérien par les Egyptiens.
Il n'est pas improbable que la négligence de la ville, qui était autrefois un bastion des groupes armés opposés à Kadhafi puis aux forces de Haftar, et l'incapacité à entretenir ses barrages et ses installations et à rénover ses anciens bâtiments, outre les combats et les guerres dont elle a été témoin entre 2015 et 2018 sont parmi les raisons qui ont causé le nombre de morts de l'ouragan Daniel et ce qui a entraîné des inondations de cette ampleur.
Derna, bien qu'elle soit une petite ville comparée à des millions de villes, a encaissé seule le fardeau des pires inondations survenues depuis l'an 2000, qui nécessite un programme urgent non seulement pour absorber la tragédie, mais aussi pour reconstruire la ville, notamment par la construction de plusieurs barrages.
Source: AA