Un drone américain « touché » par un avion russe au-dessus de la mer Noire, selon l’US Air Force

Un avion de chasse russe Su-27 a « intercepté et touché » un drone américain Reaper, mardi 14 mars, au-dessus de la mer Noire, un acte qualifié d’« irréfléchi » par la Maison Blanche.

L’armée russe a reconnu que deux de ses chasseurs avaient intercepté un drone américain au-dessus de la mer Noire, mais assure qu’ils ne l’ont pas heurté et ne sont pas responsables de sa chute. « A la suite d’une manœuvre brutale, vers 9 h 30 heure de Moscou [7 h 30 à Paris], le drone MQ-9 a commencé un vol non contrôlé avec une perte d’altitude et a heurté la surface de l’eau (…). Les chasseurs russes n’ont pas utilisé leurs armements, ne sont pas entrés en contact avec le drone et sont rentrés sans encombre à leur base », dit le ministère de la défense russe. L’appareil volait, selon lui, « avec des transpondeurs éteints » et avait violé « la zone du régime provisoire d’utilisation de l’espace aérien établie pour mener l’opération militaire spéciale » en Ukraine, ce qui a entraîné son interception. 

Le département d’Etat américain a convoqué l’ambassadeur russe à Washington, Anatoli Antonov, afin de lui faire part de sa « ferme désapprobation ». Face à la secrétaire d’Etat adjointe américaine, Karen Donfried, M. Antonov a réaffirmé la version du ministère de la défense russe, et précisé que Moscou avait prévenu que l’espace aérien où a eu lieu l’incident était identifié comme une zone d’opérations militaires spéciales.

« Nous considérons cet incident comme une provocation », a déclaré le diplomate, selon des propos rapportés par l’agence de presse officielle russe RIA. « Nous avons prévenu de ne pas entrer, de ne pas pénétrer », a-t-il dit, en demandant comment les Etats-Unis réagiraient si un drone russe s’approchait de New York ou de San Francisco. « En ce qui nous concerne, nous ne voulons pas de confrontation entre les Etats-Unis et la Russie », a-t-il rappelé.

Un incident « unique »

De son côté, Washington a réfuté le démenti russe. « Je pense que tout le monde, après un an, devrait prendre les déclarations russes sur ce qu’ils font en Ukraine et autour de l’Ukraine avec des pincettes », a jugéJohn Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche. Ce dernier a dénoncé un « acte irréfléchi » de la part des Russes, notant qu’il y avait déjà eu dans le passé des interceptions de drones américains par des avions russes, mais que cet incident était « unique », dans la mesure où il avait abouti à la perte du Reaper. 

C’est la première fois depuis le début de l’offensive russe en Ukraine, le 24 février 2022, qu’un pays de l’OTAN allié de l’Ukraine reconnaît la perte d’un appareil utilisé par ses propres forces dans cette région hautement inflammable.

« Notre drone MQ-9 effectuait des opérations de routine dans l’espace aérien international quand il a été intercepté et touché par un avion russe, entraînant le crash et la perte du MQ-9 », déplore le général James Hecker, commandant des forces aériennes américaines en Europe, dans un communiqué. « Il s’agit d’un acte dangereux et non professionnel de la part des Russes », poursuit-il, ajoutant que « les drones des Etats-Unis et des alliés continueront à opérer dans l’espace aérien international ». « Les actes agressifs des équipages russes pourraient aboutir à des erreurs de calcul et à une escalade involontaire », insiste l’armée américaine dans le même communiqué.

L’incident semble avoir eu lieu dans l’espace aérien au large d’Odessa, d’après l’Institut naval américain. Selon le site Flightradar24, un avion de reconnaissance maritime P-8A Poseidon volait en cercle au large des côtes roumaines après avoir décollé de la base aérienne de Sigonella, en Italie.

Interactions régulières en mer Noire

Le ciel de la mer Noire est le théâtre de très régulières interactions entre des drones et des aéronefs des pays de l’OTAN et les forces armées russes, en particulier depuis le début de la guerre en Ukraine. « Avec la crise actuelle, on a une augmentation du nombre de vecteurs de reconnaissance vers la Crimée, avec du Reaper, que l’on n’avait pas avant. Et, en fonction de la situation, cela peut énerver les Russes, d’autant qu’il y a eu des activités de recueils [d’informations] occidentales qui participent au ciblage pour l’Ukraine », souligne un expert français ayant requis l’anonymat.

Les alliés occidentaux de l’Ukraine, qui livrent depuis le début du conflit des armements à Kiev, prennent soin de ne pas s’impliquer directement sur le territoire ukrainien, de crainte d’une escalade avec la puissance nucléaire russe. Ainsi, « il est possible que les canaux diplomatiques atténuent l’événement », a-t-on estimé de source militaire occidentale.

Le drone Reaper, fabriqué par la société américaine General Atomics, est un aéronef piloté à distance de type MALE (moyenne altitude longue endurance), équipé de capteurs embarqués ultramodernes (boule optronique et radar) pour mener des opérations de surveillance à une vitesse de croisière de 335 km/h. D’une envergure de 20 mètres, il bénéficie d’une autonomie de plus de vingt-quatre heures de vol. Il peut emporter plusieurs types d’armement : bombes à guidage laser et/ou GPS (GBU) ou missiles Hellfire. Son équipage au sol est composé de quatre personnes. Outre les Etats-Unis, plusieurs armées européennes en comptent dans leur flotte, dont les Britanniques, les Italiens, les Français et les Espagnols.

Source : Le Monde avec AFP

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