Le Premier ministre slovaque chassé du pouvoir par le scandale Spoutnik

Critiqué par l’opposition et ses propres alliés après avoir commandé en secret deux millions de doses du vaccin russe, qui n’a même pas encore été approuvé par l’Union européenne, Igor Matovic a dû accepter de quitter son poste sans obtenir les conditions qu’il réclamait depuis plusieurs jours pour son départ. 

Igor Matovic a donc fini par céder. Sous pression pour avoir commandé en secret 2 millions de doses de Spoutnik V, le vaccin russe anti-Covid pas encore approuvé par l’Union européenne, le Premier ministre slovaque a annoncé dimanche 28 mars qu’il quittait ses fonctions. Le leader de centre droit est remplacé par Eduard Heger, membre comme lui d’aNO et ministre des Finances. Un portefeuille que va occuper Matovic. 

C’est peut-être un journal du voisin autrichien qui résume le mieux la situation. “Un Premier ministre démissionne, empêchant ainsi de nouvelles élections. Ce qui peut sembler paradoxal pour les étrangers correspond trop bien à la logique interne de la grave crise gouvernementale qui secoue la Slovaquie depuis des semaines. (…) La rupture de la coalition quadripartite, devenue de plus en plus probable depuis peu, a donc apparemment été évitée pour le moment”, commente Der Standard.

Deux partis de cette coalition menaçaient en effet de se retirer si M. Matovic restait en place. “Ces dix derniers jours, six ministres ont démissionné pour le forcer à renoncer”, rappelle Politico Europe. En échange de son départ, le Premier ministre a d’abord exigé que Richard Sulik, son ministre de l’Économie démissionnaire et fondateur du parti libéral Liberté et solidarité, ne fasse pas partie du nouveau gouvernement. Dimanche, il a cesser d’insister sur ce point, utilisant, comme le note Politico, un vocabulaire religieux. 

“A la veille de la semaine sainte, que nous célébrons comme un symbole de souffrance, sacrifice et pardon, j’ai décidé de faire un geste vis-à-vis des gens qui ont demandé ma démission”, a-t-il déclaré depuis le siège du gouvernement, à Bratislava.

Crise de confiance

Sa décision unilatérale d’importer le vaccin Spoutnik “a conduit à une réprimande de la présidente, Zuzana Caputova, et fait craindre une remise en cause de la politique étrangère de la nation membre de l’UE et de l’Otan”, observe Bloomberg. Igor Matovic a “de manière répétée cherché des réponses originales à la pandémie”, ajoute l’agence. Il a par exemple tenté de tester tous les adultes du pays de 5,5 millions d’habitants. Mais sa personnalité, depuis son arrivée au pouvoir en février 2020 sur un programme de lutte contre la corruption, a souvent posé problème.

Si l’affaire du vaccin a été le déclencheur de la crise, elle n’en est clairement pas la seule raison. “L’essence du problème réside dès le départ dans le style de gouvernance de Matovic, le non-respect des accords et la provocation constante de conflits. (…) Son gouvernement est tombé parce qu’il ne considérait pas nécessaire d’avoir la majorité au Parlement pour l’adoption des lois”, affirme une tribune publiée sur le site de Pravda. “Le Premier ministre a également donné des coups de pied à ses collègues de la coalition et à nos partenaires européens”, insiste le texte.

Une partie de la presse locale l’accuse d’avoir fait perdre du temps à un pays où le Covid a tué 9 500 personnes. “Il a dansé au bord de l’abîme dans lequel s’engouffrait son gouvernement”, se lamente, méfiant, le quotidien SME“La coalition au pouvoir dit avoir tiré les leçons de la crise. Seule la période suivante montrera si c’est le cas. Si leur paix fragile a une chance de survivre à une autre conférence de presse d’Igor Matovic”, ajoute le journal.

La crise a eu un effet dévastateur sur les Slovaques, estime Dennik N“Nous avons perdu le mois de mars dans la querelle de la coalition. Le résultat est une fatigue, un dégoût et le doute de l’opinion. On compte des milliers de personnes supplémentaires qui croient de moins en moins à la politique”, regrette le quotidien.

C’est donc à Eduard Heger de prendre la main. Un ancien homme d’affaires débarqué en politique il y a cinq ans seulement, décrit par Dennik N comme “charismatique” et chrétien fervent. Mais HLAS-SD, parti social-démocrate, dénonce “une farce absolue” et voit en lui une potentielle marionnette. Selon la formation d’opposition, citée par le tabloïd Novy Cas, la coalition au pouvoir a “mis au point un chapelet ridicule, au cours duquel Igor Matovic et Eduard Heger vont simplement échanger leurs positions”. 

Source : courrierinternational

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